Afrique du SudContre-attaque du président sud-africain, menacé de destitution
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa pourrait perdre son poste de président, empêtré dans un scandale aux relents de corruption.
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Cyril Ramaphosa réclame que le rapport soit «revu, déclaré illégal et pas pris en considération».
REUTERSLe président sud-africain menacé de destitution après un scandale aux relents de corruption a lancé lundi une contre-attaque et rallié le soutien du parti au pouvoir: le Parlement a annoncé repousser le vote sur une éventuelle procédure pour le démettre de ses fonctions.
Depuis des mois, Cyril Ramaphosa est gêné par une sombre affaire. Une plainte déposée en juin l’accuse d’avoir tenté de dissimuler à la police et au fisc un cambriolage dans l’une de ses luxueuses propriétés. Les malfaiteurs avaient emporté, en février 2020, 580’000 dollars (547’000 francs) en liquide camouflés sous les coussins d’un canapé.
Le Parlement devait décider mardi en session extraordinaire de lancer ou non une procédure de destitution sur la base d’un rapport parlementaire. Une commission indépendante a conclu la semaine dernière que le président «a pu commettre» des actes contraires à la loi dans le cadre de l’affaire, ouvrant la voie à une procédure de destitution. «Nous sommes tous d’accord sur (la date du) 13 décembre», a déclaré tard dans la soirée Nosiviwe Mapisa-Nqakula, lors d’une réunion spéciale de programmation.
Le report a été justifié par la nécessité de donner à chaque élu le temps de se rendre au Cap où siège du Parlement pour un vote, décrit par certains députés, comme «sans précédent». Plus tôt dans la journée, le président avait lancé une contre-offensive, saisissant la Cour constitutionnelle pour que le rapport parlementaire et ses suites, dont le vote au Parlement, soient «revus, déclarés illégaux et rejetés».
Rescousse
Le même jour, l’ANC au pouvoir est venu à sa rescousse. Les caciques du parti historique ont annoncé qu’ils s’opposeraient à un vote pour engager une procédure de destitution. «Si le Parlement engage le processus demain, l’ANC ne se prononcera pas en faveur du vote», a averti le secrétaire général, Paul Mashatile, à l’issue d’une réunion au sommet à Johannesburg.
Le déclenchement de la procédure nécessite une majorité de 50%. Ensuite, un vote à la majorité des deux tiers est requis pour destituer le président. Or, malgré de fortes divisions, l’ANC détient une majorité confortable au Parlement. Affichant une visible décontraction et tout sourire, Cyril Ramaphosa était apparu plus tôt au centre de conférences où s’est tenue la réunion de l’organe exécutif de l’ANC, le tout-puissant Comité exécutif national (NEC).
Dans la foulée de la publication du rapport, Cyril Ramaphosa avait pourtant envisagé de jeter l’éponge, selon plusieurs sources politiques. Il a clairement écarté l’éventualité d’une démission au cours du week-end. «Le président n’a pas proposé de démissionner et le NEC ne le lui a pas non plus demandé», a assuré lundi le parti, qui a désigné Cyril Ramaphosa favori pour conserver sa présidence et prétendre à un second mandat à partir de 2024.
Dans une contre-attaque, il a saisi la Cour constitutionnelle pour faire annuler le rapport. Dans le recours remis à la juridiction suprême, il réclame que le document soit «revu, déclaré illégal et pas pris en considération». Une enquête pénale est également en cours. Le président n’a pas été inculpé à ce stade.
Une histoire de buffles
L’ANC se réunit le 16 décembre pour désigner son prochain candidat pour la présidence. Si toutefois le parti, au pouvoir depuis la chute de l’apartheid, sortait vainqueur du scrutin. En Afrique du Sud, le président est élu par le Parlement. Majoritaire depuis 1994, le parti de Nelson Mandela a choisi le chef de l’État depuis l’avènement de la démocratie sud-africaine.
Le rapport sur le scandale a été largement critiqué ces derniers jours par des experts en droit, pour de pas être le fruit d’une enquête mais un assemblage de «ouï-dire» tirés des déclarations de chaque partie. Il soulève néanmoins un certain nombre de questions sur la version des faits du président, qui nie tout méfait et avance que l’argent volé provient de la vente de vingt buffles à un homme d’affaires soudanais.
Pourquoi les liasses de billets n’ont-elles pas été mises en sécurité dans une banque? Comment se fait-il que les buffles se trouvent encore dans la propriété du président près de trois ans après leur vente, interroge le rapport qui exprime «de sérieux doutes» sur l’origine des sommes. Également visé par une enquête pénale, Cyril Ramaphosa, n’a pas été inculpé à ce stade.