Hockey sur glaceHC Ajoie: un coach seul contre tous, un égo touché et une chasse aux sorcières
Au HC Ajoie, on remue ciel et terre pour savoir comment la mise à l’écart de Philip-Michaël Devos a fuité quelques heures avant le match de samedi contre Davos, au point d’en oublier les vrais problèmes. A une semaine de la Saint-Martin, la chasse aux sorcières est lancée dans le Jura.
- par
- Cyrill Pasche Porrentruy
C’est une histoire comme seul le HC Ajoie est encore capable d’en fabriquer. Un top scorer écarté pour un match important à domicile, un joueur clé profondément blessé par la décision de son coach et vexé de passer sa soirée en tribunes (compréhensible), des réactions épidermiques qui fusent de toutes parts dans l’entourage du club, une histoire de tensions (démenties pour la forme), une prétendue «taupe» dans le vestiaire et finalement une chasse aux sorcières lancée à une semaine de la fête de la Saint-Martin.
Tout part d’une information anodine. Il y aura du changement dans l’alignement d’une équipe en difficulté au classement (lanterne rouge) avec un étranger jusqu’ici incontournable mis à l’écart pour le match du samedi soir à domicile. Au HC Ajoie, on imagine donc une taupe qui, depuis le vestiaire, téléphone à un journaliste pour lui livrer l’alignement du soir. On nage en plein fantasme, au point d’en oublier que le club est dernier du classement (14e) et prend gentiment le même chemin que la saison dernière, en tout cas en termes de résultats. Au lieu de chercher des solutions sportives, on cherche un coupable, qu’il s’agira idéalement de trouver avant le «Revira» du troisième week-end de novembre…
Plus personne de nos jours, hormis en ce qui concerne les gardiens titulaires, ne fait de grands secrets quant à l’identité des joueurs qui grifferont la glace en soirée. Au HC Ajoie, c’est un peu différent, surtout lorsque le joueur en question est presque aussi grand que le club.
Les noms alignés n’ont de toute manière aucune influence sur la tactique de l’adversaire. Le HC Davos, par exemple, n’a pas bouleversé son approche parce que Philip-Michaël Devos n’était pas sur la glace. Le coach des Grisons, Christian Wohlwend, dans sa causerie d’avant-match, n’a probablement pas perdu un seul mot pour mentionner l’absence surprise du topscorer du HCA.
Pesan a pris la bonne décision
Suite au match de jeudi perdu contre Zurich (3-6), le coach tchèque Filip Pesan a pris une décision hautement impopulaire, mais extrêmement courageuse: renvoyer en tribunes un des hockeyeurs les plus populaire de l’histoire du club, un homme considéré comme un héros dans le Jura et qui a été de toutes les batailles et de tous les triomphes depuis 2015. Un joueur qui avait parfois joué sur une jambe pour être sûr de tenir sa place et de ne laisser tomber personne. 427 matches consécutifs joués par beau temps comme par mauvais temps. Un joueur clé hautement compétitif et extrêmement sollicité depuis le début de la saison qui commençait toutefois à s’éloigner peu à peu de ce qui était exigé par son entraîneur. Tous ceux qui ont vu le match de jeudi contre Zurich s’en sont rendus compte.
Filip Pesan était isolé et n’avait aucun soutien lorsque sa décision a été connue, surtout pas ceux de façade entendus ça et là après le match de samedi perdu contre Davos. Le Tchèque était seul contre tous et a pris une décision forte que le 99% des autres coaches n’aurait jamais eu le courage de prendre, ne serait-ce que pour éviter de se mettre en danger.
Au lieu des quelques sifflets, Pesan aurait mérité des applaudissements. Voici un coach cohérent qui va au bout de ses idées quitte à mourir avec elles, et ce peu importe l’égo et le statut des joueurs visés par ses décisions. «Quand on prend certaines décisions, on est parfois un héros, parfois un zéro. La ligne est fine», a reconnu le Tchèque de 44 ans après la défaite 3-5 contre Davos, avant de jouer son rôle de bouclier jusqu’au bout. «Non. Il n’y a pas de tensions dans le vestiaire», a-t-il juré en regardant le bout de ses chaussures. C’est de bonne guerre.
Reste désormais à voir si, au HC Ajoie, courage et cohérence sont récompensés. Si Pesan passe à la trappe dans les prochains jours, semaines ou mois, sa chute trouvera forcément son origine dans sa décision controversée de samedi. Et à tous les étages du club jurassien, on répétera malgré tout qu’il n’y a jamais eu de tensions et que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Un peu comme on jurait à l’époque à qui voulait bien l’entendre que Philip-Michaël Devos et Jonathan Hazen ne s’étaient pas acoquinés avec Kloten avant la promotion de 2021.