BDFILLes Tuniques bleues fêtent un bel anniversaire à Lausanne
Willy Lambil, le dessinateur de la série qui cartonne depuis 55 ans, a 87 ans ce dimanche 14 mai et il est toujours aussi heureux de faire des albums. Rencontre.
- par
- Michel Pralong
«Je ne travaille pas, je raconte des histoires. Quand on me demande pourquoi je n’arrête pas à mon âge, je réponds que je ne me pose pas la question. Dessiner, pour moi, c’est une seconde nature». Willy Lambil dessine les «Tuniques bleues» depuis plus de 50 ans alors que la série fête cette année ses 55 ans. Il l’avait reprise après le décès prématuré de Louis Salvérius et a ensuite fait plus de 60 albums avec Raoul Cauvin au scénario.
Après la disparition de ce dernier en 2021, c’est Kris qui a été choisi pour un nouvel album. Mais Lambil, comme le capitaine Stark, est toujours prêt à charger crayon au clair. Et à 87 ans, anniversaire qu’il fête à Lausanne ce 14 mai, BDFIL consacrant une expo à ses héros, il a toujours la même envie de raconter des histoires.
«Il faut vivre les histoires»
«Le plus important, c’est de vivre les histoires, nous dit-il en dégustant une bonne bière. Il faut se mettre à la place des personnages. Moi, je ne sais pas écrire les scénarios, mais je les mets en scène, je cherche des plans. Et je dis merci aujourd’hui à Kris de m’avoir fait ce beau scénario avec Irish Melody».
Présent également à Lausanne, le Breton nous raconte comment il en est arrivé à être le premier scénariste à part Cauvin à avoir imaginé un scénario pour Lambil et les Tuniques bleues. «Sachant mon amour pour la série, l’éditeur m’a dit qu’il cherchait des histoires pour de nouveaux albums. Moi, en bon élève, j’en ai imaginé une dizaine. Il y en avait une que je préférais, mais vu que cela parle d’Irlande, je me suis dit que cela n’allait pas intéresser Willy, ce côté celtique. Même si nous disons qu’un Belge, c’est un Breton qui a oublié de tourner à gauche en allant au nord. Mais j’avais beau faire, c’était l’histoire que j’aimais le plus, alors j’ai proposé «Irish Melody» à Lambil».
Passionné par le monde celtique
«Ce que Kris ignorait, répond Lambil, c’est que je suis passionné par tout ce qui est celte, la culture, la musique. J’avais demandé à Cauvin d’emmener les Tuniques bleues en Irlande, il ne m’a jamais fait ce plaisir. Là, ils n’y sont pas, mais on s’en rapproche avec à la fin une invitation pour s’y rendre. Sait-on jamais».
«Après, ce que je ne savais, ajoute Kris, c’est que je n’étais pas désigné successeur de Cauvin au scénario. On m’a pris cette histoire, la suivante sera signée par un autre. À moi d’en imaginer une assez bien pour que Lambil fasse un nouvel album avec moi. Mais quand j’ai su que nous allions faire ensemble «Irish Melody», je n’y croyais pas. C’est comme si l’on m’annonçait que j’étais champion du monde, je ne réaliserais pas tout de suite. Il a fallu que j’aille le dire à un libraire de Brest, fan comme moi des Tuniques bleues pour y croire. Et lui était tellement fier de connaître celui qui allait continuer la série. C’est fou l’impact qu’elle a sur les gens».
Le succès a été très rapide dès la naissance des Tuniques bleues, même si cela a été toujours un peu compliqué, notamment au niveau éditorial. «Au début, les albums étaient brochés et j’ai demandé qu’ils soient cartonnés, raconte Lambil. L’éditeur m’a dit, non, pas pour les Tuniques bleues, ça n’en vaut pas la peine. C’est Walthéry qui a été le premier à avoir des cartonnés pour Natacha. Et récemment, quand j’avais pris du retard avec «Où est donc Arabesque», le dernier scénario de Cauvin, l’éditeur m’a demandé si cela ne me gênait pas qu’il confie un album à une autre équipe («L’envoyé spécial», ndlr). J’ai bien compris que je n’avais pas d’autre choix que de répondre que cela ne me gênait pas».
«Je riais en écrivant le scénario»
Comment se glisser dans les bottes de Cauvin? «J’ai relu toute la série, mais ensuite, cela a été assez facile. Je riais tout seul en imaginant déjà comment Lambil allait dessiner telle ou telle scène». Lambil le coupe: «Cela me fait très plaisir que tu me dises cela, tu as gardé une âme d’enfant. Tu m’as mis de sacrés défis, avec beaucoup de décors, de neige. Mais un album des «Tuniques bleues», c’est un défi à chaque fois et je veux toujours faire au mieux», raconte celui qui, à 5 ans, vendait déjà ses propres BD aux voisins et qui a eu la chance de tomber sur un prof de dessin technique qui l’a laissé faire de la BD dans un coin plutôt que des plans.
Depuis plus de 50 ans, les enfants d’alors continuent d’acheter les Tuniques bleues devenus adultes, album après album. «Même si, en dédicace, on me dit parfois «J’ai moins aimé celui-là», mais le public suit, fidèle» dit Lambil. Avec «Irish Melody», les retours sont très bons. «Mais souvent, dans les dédicaces, dès que Willy est là, la file est envahie par les collectionneurs, qui viennent des heures avant. J’ai fait une dédicace en Bretagne sans lui, les enfants ont vu l’album des Tuniques bleues et sont venus en nombre me voir», dit Kris.