SantéUn petit Genevois de 5 ans atteint par le scorbut
Un enfant a développé une maladie très rare en Suisse. Le diagnostic a été extrêmement difficile à poser.
- par
- Renaud Michiels
À Genève, un enfant de 5 ans bien mal en point a été admis aux HUG. Ses douleurs aux articulations étaient telles qu’il refusait de marcher. Il s’est avéré qu’il souffrait d’une maladie rare dans les pays développés: le scorbut, causé par une importante carence en vitamine C.
Ce cas a été détaillé début août par trois doctoresses des Hôpitaux universitaires de Genève dans la revue médicale «Frontiers In Endocrinology». Il vient d’être repéré par «Le Monde».
Les mésaventures de ce petit garçon montrent que les maladies rares peuvent être extrêmement difficiles à diagnostiquer. Et que le dialogue avec un patient ou ses proches peut s’avérer plus précieux que les tests les plus poussés.
Les problèmes de ce garçon commencent huit mois avant un premier examen chez un pédiatre. Il ressent alors des douleurs articulaires, principalement aux jambes: chevilles, hanches, genoux. Mais aussi au dos.
Lorsqu’il consulte un pédiatre, ce dernier envisage une infection ostéo-articulaire ou une maladie génétique. Mais il exclut finalement ces pistes et estime que les douleurs du petit garçon proviennent de sa croissance.
Douleurs et absentéisme scolaire
Mais les douleurs de l’enfant s’aggravent encore par la suite, à tel point qu’il ne peut presque plus se déplacer seul, ce qui entraîne un grand absentéisme scolaire. La famille constate aussi une déformation des genoux, vers l’intérieur.
Retour vers le pédiatre, qui décèle une anémie suite à des tests sanguins. Il effectue une série d’examens, mais ne décèle pas de carence de calcium ou de phosphore, et pas de problème rénal, hépatique, ou musculaire. Un complément de fer et de vitamine D est alors prescrit.
La quête du mystérieux mal qui touche le petit garçon continue chez un chirurgien orthopédique. Maladie congénitale, cancer: il écarte de nouvelles explications. Mais repère avec une radio des anomalies osseuses qui pourraient démontrer un arrêt de croissance.
L’enfant est alors admis en pédiatrie aux HUG, toujours dans le but d’enfin trouver l’origine de ses souffrances. Il est alors décrit comme pâle mais ne semble pas malade et est capable de marcher sans assistance. Il boite cependant à cause de la douleur et marcher sur les talons ou les orteils lui est impossible: trop de souffrance. Il a des séances de physiothérapie pour tenter d’améliorer sa motricité.
Jamais de fruits et légumes
De nouvelles pistes sont imaginées, qui pourraient expliquer les anomalies au niveau des os. Suite à de nouveaux tests, une maladie inflammatoire rare est écartée, comme une leucémie ou toute pathologie maligne infiltrant les os, détaille le quotidien français.
Les médecins suspectent alors un déficit vitaminique ou une intoxication aux métaux lourds. Ils interrogent les parents du petit garçon et cette démarche va s’avérer bien plus déterminante que tous les tests médicaux effectués. Ils racontent que l’enfant ne mange que du fromage et des glucides. Jamais aucun fruit ou légume.
La famille est pourtant aisée mais explique que l’enfant de 5 ans refuse absolument tout fruit ou légume. Il n’ingère donc presque jamais de vitamine C. Le diagnostic est enfin posé: il souffre du scorbut infantile. Des compléments en vitamine C et en folates (vitamine B9) lui ont été prescrits. Les douleurs ont peu à peu disparu et l’enfant a pu remarcher normalement.
La famille a été sensibilisée sur la nécessité d’une alimentation équilibrée avec des aliments contenant de la vitamine C: oranges, citrons, brocolis, poivrons, etc. Un suivi a été mis en place.
Issue mortelle possible
«Le scorbut est devenu un diagnostic difficile dans les pays développés en raison de la rareté de la maladie. Cependant, il s’agit d’une maladie grave qui doit être traitée sans délai, sinon elle peut entraîner une issue fatale», écrivent les trois doctoresses genevoises.
Elles concluent par l’importance du dialogue. «Notre cas est un exemple de l’importance de prendre une histoire détaillée, y compris une histoire nutritionnelle. Si nous avions inclus les carences nutritionnelles dans notre diagnostic différentiel initial, nous aurions pu éviter les tests de laboratoire inutiles, l’imagerie, les procédures invasives et nous aurions pu traiter le patient plus rapidement», notent-elles.