Mort pour 500 g d’herbeLe caïd de la Vallée écope de 20 ans ferme pour assassinat
Le Tribunal criminel du Nord vaudois a condamné Diego* à 20 ans de réclusion pour avoir abattu un jeune dealer à Yverdon (VD).
- par
- Evelyne Emeri
Assassinat (ndlr: 10 ans au min.)? Ou meurtre (ndlr: 5 au min.)? Les juges de la Cour criminelle d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois ont tranché. Pour eux, l’Espagnol (22 ans), qui a grandi à la vallée de Joux, s’est bien rendu coupable d’assassinat au soir du 17 novembre 2018 dans le parc des Quatre-Marronniers à Yverdon. Les juges suivent ainsi en tous points le procureur Bernard Dénéréaz dans la qualification et dans la quotité de la peine. Ils le condamnent à 20 ans de peine privative de liberté.
Refus d’obtempérer
Le ministère public avait en effet requis 20 ans ferme pour assassinat, de même qu’un traitement ambulatoire et une expulsion du territoire pour 15 ans contre celui qui achetait du cannabis, en consommait et volait surtout de la marchandise à ses fournisseurs en les intimidant. Ce samedi noir, Diego* a visé la tête de Goran* (21 ans) et tiré sur ce réfugié kurde de Syrie, un petit dealer qui a refusé d’obéir au chef de clan et de lui céder 500 g d’herbe sous la menace d’un Sig Sauer P210 acquis sans autorisation.
Prémédité et planifié
La défense avait bien essayé de plaider l’homicide par négligence, le caïd de la Vallée (de Joux) prétendant que «ce n’était pas de sa faute si quelqu’un était décédé». Autrement dit, le prévenu principal soutenait la thèse de l’accident et de la balle partie toute seule alors qu’il se bagarrait avec le défunt pour lui arracher son sac contenant la drogue. De l’autre côté de la barre, le père et le frère de Goran – dignes et en souffrance extrême – ainsi que leur avocat, Me Charles Munoz, étaient intimement convaincus qu’il y avait préméditation et une absence patente de scrupules. Et que, dès lors, Diego était pire qu’un meurtrier: un assassin.
Pleinement responsable
Sinon pourquoi avoir prévu d’aller au rendez-vous fatal avec un survêtement enfilé au-dessus de ses habits et l’enlever après le crime? Pourquoi l’avoir planqué avec le Sig? Pourquoi aller rechercher tout cela avec son bras droit Mirjan* (24 ans) le lendemain à Yverdon et demander à Romain* (21 ans), la nourrice, de s’en débarrasser? Une sacrée organisation pour un accusé qui conteste l’intention de tuer. Les experts psychiatres n’ont du reste retenu aucune diminution de responsabilité pénale à l’égard de Diego malgré un trouble de la personnalité dyssociale et immature. Et ils n’excluent pas un risque de récidive.
Culpabilité écrasante
Ce verdict a été rendu lundi en l’absence du meneur du trio, testé positif au Covid en prison (La Croisée à Orbe). Pour les cinq juges du tribunal, la culpabilité du trafiquant est «écrasante», sans même entrer dans le détail du palmarès délictueux du criminel (trafic/consommation de stups, dommages à la propriété, brigandages qualifiés, vols, violations de domicile, achat illicite de trois armes, lésions corporelles simples, tentatives d’assassinat, de meurtre et de lésions corporelles graves). «Il n’avoue pas. Ses actes ne doivent pas être mis en relation avec ses troubles. Il est bien ancré dans la réalité, ses agissements sont bien construits. Ni le cannabis, ni l’alcool n’ont altéré sa capacité d’appréciation», affirme le président de céans Alban Ballif.
Pas accidentel
«Un témoin mineur confirme la version selon laquelle Diego a visé intentionnellement Goran après avoir tiré en l’air et non au sol, puis le coup aurait été tiré pratiquement à bout touchant selon les experts, ajoute le président Ballif. En tenant compte de la lutte engagée avec une arme chargée, le risque qu’un coup de feu parte était élevé. Il s’en est accommodé. En aucun cas, cela ne peut être accidentel. Son mobile était frauduleux, odieux et dérisoire. Il refuse de prendre ses responsabilités, ce qui dénote une absence de prise de conscience. En prison, il a adopté un comportement inadéquat. Il se prend pour le chef. Il provoque, il menace, il insulte.»
8 ans pour le bras droit
Les acolytes de l’auteur du tir mortel sont là, eux, pour écouter leur sentence dans la salle d’audience cantonale à Renens. Bras droit et chauffeur du caïd de la Vallée, Mirjan écope de 8 ans ferme pour complicité et tentative d’assassinat principalement, également pour vol, recel, contrainte, infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et sur les armes (LArm); jamais détenu, sous l’emprise du boss, Romain, lui, avait accepté de dissimuler l’arme et la drogue dans sa cave. La Cour l’a libéré du très lourd chef d’accusation de complicité d’assassinat. Il est ainsi condamné à 2 ans – avec sursis durant 5 ans – pour mise en danger de la sécurité publique au moyen d’armes, entrave à l’action pénale et infractions à la LStup et à la LArm.
«Un jugement sévère»
À l’issue du verdict, Me Thierry de Mestral, avocat du désormais assassin contaminé, n’a pas caché sa déconvenue: «C’est un jugement extrêmement sévère. Je n’exclus pas que mon client recourt contre le fait que l’homicide a été qualifié en assassinat.» En clair, il s’agira de déposer un appel auprès du Tribunal cantonal (TC) pour tenter de faire requalifier le crime en meurtre et espérer ainsi une réduction de peine.
*Prénoms d’emprunt