CyclismeEt soudain, Jonas Vingegaard a dû parler de dopage
La Grande Boucle passionne toujours autant les foules en bord de route. Dans les coulisses, on se pose moins de questions qu’un temps sur le sujet du dopage. Mais on s’interroge un peu quand même.
- par
- Simon Meier Saint-Gervais
Le Tour de France 2023, monstre de suspense et d’intensité, part un peu dans tous les sens, dès lors que le peloton se trouve sur les routes. C’est en revanche le calme (presque) plat, dans un domaine parallèle: la thématique du dopage, pourtant historiquement très liée. Depuis le départ de Bilbao, à l’intérieur de la caravane, c’était un peu comme si le sujet n’existait pas. Plus.
Et puis dimanche, devant tout le monde en visioconférence, un journaliste a brisé le tabou. «Que pensez-vous de ceux qui doutent de la probité de vos performances, en les comparant à celles d’anciens coureurs dopés?», a en substance demandé le monsieur à Jonas Vingegaard, maillot jaune, l’un des deux mutants de ce Tour avec Tadej Pogacar.
Le Danois ne s’est pas démonté. Détendu, il a apporté la meilleure réponse qu’un homme dans sa situation puisse donner: «Je comprends parfaitement qu’il y ait une forme de scepticisme. Je pense même qu’il est important que nous conservions un regard sceptique. Car ce qui s’est produit par le passé peut arriver à nouveau. Je comprends qu’il y ait des questions. La seule chose que je puisse répondre, c’est que je ne prends rien.»
Petit silence, chapitre clos? Non, petite relance spontanée de Vingegaard, à l’image de son final lors de la 15e étape de dimanche. «Pour être honnête, je suis heureux de ce scepticisme. Oui nous sommes rapides, oui nous allons plus vite que, que… (Il interrompt sa phrase) L’alimentation, le matériel, l’entraînement… Tout est devenu différent. Mais oui, c’est important d’être sceptique, ou tout du moins d’y penser.»
Alors pensons-y. Et parlons-en un peu. Lorsqu’il a vu la question venir, lundi, lors du jour de repos, Stefan Küng s’est mis à pouffer. «Je commence à rigoler, pas parce que c’est drôle ou que je me moque de ça, a-t-il précisé. Mais personnellement, en tant que coureur, je n’y pense jamais. Tu sais tout ce qui est mis en place maintenant pour être performant à ce niveau-là: matériel, nutrition, entraînement, stages en altitude, etc., etc… C’est normal qu’on avance plus vite que les coureurs d’il y a 25-30 ans. Dans les chronos, avant, sur du plat, à 52 km/h tu jouais la gagne. Maintenant, il faut être à 55 ou 56.»
Le Thurgovien de la formation Groupama-FDJ poursuit son raisonnement: «Les performances de l’être humain ne cessent de s’améliorer, on sait exactement ce qu’il faut en glucides, par exemple, pour fournir tel effort. Je comprends les gens qui regardent les temps et qui disent: «Attends, là y’a Pantani à Joux Plane, avec tel temps, et les deux autres aujourd’hui avec tel temps…» C’est aussi le fait que deux coureurs soient tant au-dessus qui alimente les questions du grand public: «Comment ça se fait qu’ils soient meilleurs que les autres?» Les différences de niveau, il y en a toujours. Dans le tennis, par exemple, Federer, Nadal et Djokovic ont dominé deux générations. Il y a toujours des sportifs qui sont au-dessus du lot. Pour le reste, j’ai envie de dire qu’on est tellement contrôlés... Je suis confiant dans le fait que le cyclisme s’est beaucoup amélioré par rapport à ça.»
Cela n’empêche pas d’en parler et, pour certains, de se gratter un peu la tête, en attendant le chrono de mardi, et la dernière étape alpine de mercredi.