Ski alpinDébat: le ski est-il un sport injuste?
On l’a vu en slalom à Chamonix: le moins bon qualifié de la première manche, Daniel Yule, a bénéficié de la meilleure piste. Pour gagner.
- par
- Ugo Curty ,
- Daniel Visentini
OUI, Daniel Visentini
On ne découvre pas la lune, non. On devine surtout sa face cachée. Le ski est ce sport où les meilleurs athlètes sont pénalisés lors des secondes manches, en slalom et en géant. Dire le contraire, c’est nier la réalité.
Il faut bien sûr s’empresser de féliciter Daniel Yule pour son extraordinaire remontada, de la 30e place sur le premier tracé à la victoire finale. Mais derrière le talent du Valaisan, les circonstances.
Clément Noël avait presque deux secondes d’avance après la première manche. Aucune faute dans sa démonstration, une certaine idée de la perfection. Il s’est élancé ensuite en 30e position, puisque l’ordre des départs est inversé, il faisait chaud, la piste, parfaite pour Yule qui s’élançait, lui, en premier, interdisait au Français de tirer les bénéfices de son effort initial.
Non, on ne découvre pas la lune. C’est le règlement. Il est assis sur cette volonté de créer du suspense au détriment de l’équité sportive. Il fut un temps où l’on n’inversait que les 15 premiers de la première manche. Cela minimisait l’injustice. Sauf qu’avec 15 départs avant que la course ne soit jouée, il n’y avait pas assez de temps d’antenne pour vendre la performance. Alors on a inversé les 30 premiers… Ce n’est plus le sport qui commande, mais le marketing.
L’argent est nécessaire, il pèse sur les programmations, sur les horaires, mais le ski est peut-être le seul sport qui fonctionne comme cela à l’extrême, pour le slalom et le géant, en bafouant le mérite des meilleurs après la première manche à des fins promotionnelles. Même si les surprises ne sont pas fréquentes, elles existent.
Rien ne changera, il ne faut pas se leurrer, mais ce n’est pas une raison pour ignorer cette injustice, fût-elle palpitante dans son déroulé.
NON, Ugo Curty
Ce «débat» n’en est pas un et j’y participe uniquement pour éviter que l’avis de mon très estimé collègue se transforme en un commentaire hors-neige.
L’ordre inversé des départs en deuxième manche et la dégradation de la piste ne suffisent pas à pénaliser les meilleurs. C’est la science qui le dit. Deux chercheurs des Universités suédoises d’Östersund et Falun l’ont prouvé en analysant des courses de Coupe du monde sur 15 ans (de 2005 à 2020). Si leur récente étude porte sur le géant, il en va de même pour le slalom.
«Le ski est un sport d’extérieur». Le poncif revient à chaque interview d’après course (ou presque), jusqu’à devenir l’équivalent alpin du footballistique «match après match». Aussi évidente qu’elle puisse paraître (sauf dans certains pays du Golfe), cette phrase rappelle un fondamental: deux skieurs n’auront jamais les exactes mêmes conditions météorologiques ou de piste. A moins de faire partir les 60 participants en même temps.
La remontée de Daniel Yule dimanche est l’exception qui confirme la règle. En 56 ans d’existence, jamais la Coupe du monde n’avait vu pareil scénario. Crier à l’injustice, c’est nier la nature même du ski alpin. Ou alors ne suivre ce sport que d’un œil distrait à l’heure du brunch dominical.
Et vous, qu’en pensez-vous?