Bande dessinéeUne femme dessine pour la première fois Valérian
Pour la première fois, Pierre Christin à écrit un scénario pour quelqu’un d’autre que Mézières. Virginie Augustin, à qui l’on doit un formidable «Conan», s’est régalée.
Quel est le point commun entre la série «Alim le tanneur», «Chimères de fer dans la clarté lunaire», qui est le tome 6 de la série «Conan le Cimmérien» ou encore «Joe la pirate», biographie de l’aventurière qui fut monarque d’une île des Bahamas? C’est simple, tous ces albums sont dessinés par Virginie Augustin. Sauf que ce n’est pas si évident que cela, puisqu’elle a l’art de changer de style à chaque fois.
«C’est parce que je viens de l’animation où l’on nous apprend à nous fondre dans le graphisme du film», nous explique la Française rencontrée au dernier Salon du livre de Genève. Et se fondre dans un univers, elle a aussi dû le faire pour dessiner «Là où naissent les histoires», 3e tome de la série «Valérian vu par…». Mais ce livre diffère des deux précédents puisqu’il peut être considéré comme la suite directe de «L’ouvre-temps», paru en 2010 et qui concluait les aventures de l’agent spatiotemporel dessinées par Mézières et scénarisées par Christin. Autre différence, cette aventure est également écrite par Christin, la première histoire de Valérian qu’il ne destinait pas à son vieux complice. Et du coup, Virginie Augustin devient la première femme à travailler sur cette saga.
«Pierre Christin, ayant aimé travailler avec Annie Goetzinger, voulait à nouveau faire équipe avec une femme. L’éditeur lui a proposé mon nom, il a dit oui. J’étais comblée, puisque je déteste la science-fiction, sauf Valérian. C’est comme Conan, j’étais une énorme fan et c’était génial de faire un album (je sais que c’est contre le principe de la série, mais j’en fais volontiers un deuxième) donc travailler en plus avec Pierre Christin, c’est comme si l’on vous dit au cinéma que vous allez travailler avec Coppola. Arleston, avec qui j’ai fait un «Troll de Troy» m’a juste prévenue: «Tu as intérêt à faire de la vie de Pierre un tapis de fleurs».
Elle aurait pris n’importe quel scénario, d’autant que celui-ci était déjà écrit, mais elle a tout de même été déçue de voir qu’on restait dans la continuité de «L’ouvre-temps» et que Valérian et Laureline étaient toujours les enfants qu’ils étaient redevenus. «Je rêvais de les dessiner adultes, mais au moins, il allait me rester les Schingouz. Sauf que Pierre m’a dit: non, marre des Shingouz, je ne veux pas les voir. Ouf, il me restait au moins le Schniarfeur».
Le drame de la disparition de Mézières
Jean-Claude Mézières est resté en retrait et a juste demandé à voir les planches. «Mais en fait, il m’a donné de tels conseils que j’ai énormément appris. Christin m’avait dit que j’étais complètement libre, alors j’ai donné une allure plus simiesque au Schniarfeur et ai dessiné une Laureline avec des cheveux courts. Il m’a dit que cela n’allait pas du tout. En fait, j’étais complètement libre… de faire comme Mézières».
Puis ce fut le drame, le dessinateur s’est éteint le 23 janvier 2022, à 83 ans. «C’est le plus sale tour qu’il a pu nous jouer, vraiment un sale tour», dit-elle avec encore beaucoup d’émotion dans la voix. Mais avec cet album, sorti fin 2022, qui est tellement dans l’esprit de la série mais avec la touche personnelle de Virginie Augustin, elle a rendu à Mézières le plus bel hommage qui soit.
Elle est sur tous les fronts
Virginie Augustin, on la retrouve également dans «Toujours prêtes» qui vient de sortir. Il s’agit d’un tome spécial de la série «Le petit théâtre des opérations» qui raconte des destins incroyables d’hommes durant des guerres. Et pourquoi pas des femmes? C’est ce que s’est dit le scénariste Julien Hervieux qui a donc confié cet album à Virginie. Elles sont huit, de Nancy Wake, véritable commando à elle toute seule, en passant par Marie Curie, qui ne se contenta pas de découvrir la radioactivité, mais qui sauva des milliers de vies sur le front en conduisant des ambulances équipées de rayons X. C’est incroyable, mais tout est vrai.
«Cela m’a beaucoup plu, comme il s’agissait de petits récits, je pouvais changer de style et cela me reposait de longues histoires comme «Joe la pirate», d’autant plus que je vais m’attaquer maintenant à l’histoire de la Comédie française. Et s’il y a un personnage que j’aimerais reprendre, c’est Oumpah-Pah, l’Indien créé par Goscinny et Uderzo avant Astérix.» Décidément, Virginie est partout, souvent où on ne l’attend pas, sans parfois qu’on la reconnaisse, mais elle a une constante: c’est toujours très bien.