Hockey sur glaceAllan McShane: «Nous avons frôlé la mort dans cet incendie»
Le nouveau joueur du HC La Chaux-de-Fonds a survécu aux flammes qui ont ravagé son appartement dans la métropole horlogère fin janvier. Confidences inédites et poignantes.
- par
- Chris Geiger
Le 13 janvier dernier, le HC La Chaux-de-Fonds annonçait l’engagement de l’attaquant Allan McShane. Treize jours plus tard, le Canadien de bientôt 24 ans – il les fêtera le 14 février prochain – et sa fiancée traversaient l’expérience la plus traumatisante de leur vie.
Celle qui consistait à survivre à l’intérieur d’un appartement en proie aux flammes, au troisième étage d’un immeuble situé à la rue de la Charrière 89, dans la cité du haut du canton.
L’ancien joueur du club italien d’Asiago a accepté d’évoquer ce moment traumatisant. Sans filtre, mais avec beaucoup d’émotions.
Allan McShane, plus de deux semaines se sont écoulées depuis l’incendie qui a ravagé votre immeuble. Comment allez-vous?
Par chance, je n’ai pas eu beaucoup de blessures. J’ai toutefois dû attendre que certaines plaies guérissent, tout en me préparant mentalement à jouer à nouveau au hockey. Cela a été une expérience très traumatisante. Ma fiancée et moi-même avons été affectés par cette dernière, car nous avons frôlé la mort. Heureusement, nous allons mieux désormais, que ce soit physiquement ou mentalement. Nous avons bénéficié d’un soutien formidable de l’équipe et de tout le monde ici à La Chaux-de-Fonds.
Quelle était la nature de vos blessures?
Nous avons été blessés lorsque nous avons été évacués par la fenêtre au troisième étage. Nous étions sur la nacelle du camion de pompiers et c’est là que nous avons reçu des morceaux de verre et d’aluminium chaud, qui nous tombaient dessus depuis un étage supérieur, là où l’explosion initiale s’était produite. Nous avons eu quelques coupures et brûlures, mais cela aurait pu être pire. Heureusement, nos visages ont été épargnés.
Cela sous-entend que vos poumons ont été épargnés?
Oui, nous avons passé des tests poussés à l’hôpital pour s’assurer que nous n’avions pas de fumée ou de corps étrangers dans nos poumons. Nous avons obtenu d’emblée de très bons résultats. Nous avons surveillé l’évolution par la suite et nous n’avons aucun problème à ce niveau-là. C’est une chance, compte-tenu de la gravité de l’incendie.
Prêt pour les play-off
Revenons sur cet incendie, si vous le voulez bien. Pouvez-vous nous raconter le déroulé des événements?
Il était environ 14 heures. Nous étions sur le canapé, dans le salon, à regarder la télévision. Soudain, nous avons entendu un fracas, une sorte d’explosion. Nous avons d’abord pensé que quelqu’un avait fait tomber quelque chose de très lourd dans les escaliers. J’ai couru à la porte pour voir si tout le monde allait bien. C’est là que j’ai vu qu’il y avait de la fumée noire dans le couloir.
Comment avez-vous réagi?
J’ai fermé la porte et j’ai couru avertir ma fiancée. Nous avons alors mis nos chaussures et un manteau. J’ai pris nos passeports, nos portefeuilles et j’ai rouvert la porte avec l’espoir de descendre les escaliers en courant. Mais en 30 secondes, peut-être une minute, la fumée était devenue si noire et si épaisse que nous ne pouvions plus voir nos mains. Nous ne pouvions donc pas prendre le risque d’inhaler toute cette fumée, ni de nous perdre.
Vous étiez donc coincés dans votre appartement, au troisième étage. Qu’avez-vous fait à ce moment-là?
Nous avons décidé qu’il serait plus sûr de bloquer les portes avec des couvertures et de se réfugier dans notre chambre à coucher, là où la fenêtre donnait sur la route principale. Nous étions paniqués à ce moment-là car nous savions que c’était très grave. Nous pensions toutefois avoir un peu de marge puisqu’il se dit habituellement qu’il faut environ une heure avant que le feu n’atteigne l’étage inférieur ou supérieur. Nous avons attendu et les pompiers sont finalement arrivés, au bout de 10 ou 15 minutes. Mais nous sommes restés à notre fenêtre pendant 45 minutes avant de pouvoir sortir.
L’attente a dû être insoutenable. Comment l’avez-vous traversée?
J’ai essayé de garder mon calme et celui de ma fiancée, de garder le contact visuel avec mon directeur sportif (ndlr: Loïc Burkhalter) que j’avais appelé et qui était présent dans la rue. Durant l’attente, à un moment donné, j’ai cru entendre un pompier frapper à notre porte. J’ai commencé à crier: «Nous sommes là!» Comme je n’avais pas de réponse, j’ai ouvert la porte et j’ai constaté que ce n’était pas un pompier qui frappait, mais qu’il y avait le feu dans l’appartement et que les flammes arrivaient à la hauteur des genoux. De toute évidence, le feu se rapprochait de nous…
Comment avez-vous réagi?
J’ai appelé mon directeur sportif et je lui ai dit de dire aux pompiers que le feu était dans notre appartement, que la situation était devenue très grave. À ce moment-là, je ne pense pas qu’ils nous considéraient comme une priorité par rapport à un voisin, suspendu à sa fenêtre, qu’ils essayaient d’évacuer. Ils ont fini par l’évacuer et ont ensuite pu nous prendre en charge. C’est là que nous avons été blessés sur la nacelle et lorsque nous descendions l’échelle. J’ai alors pu serrer mon directeur sportif dans mes bras, en lui disant que nous avions de la chance d’être en vie. Puis nous avons été emmenés en ambulance à l’hôpital, où nous avons fait soigner nos blessures et nos coupures. Je m’en suis sorti avec quelques points de suture.
Quelles ont été vos pensées durant ces longs moments coincés dans votre appartement?
J’ai surtout vu que ma fiancée commençait à réaliser à quel point il était possible que nous puissions mourir. De mon côté, j’essayais évidemment de rester calme et de me concentrer sur tous les scénarios possibles. Comment cela se passerait-il si nous devions sauter, par exemple. Un homme qui se trouvait deux étages au-dessus de nous a sauté et s’est gravement blessé. Cela aurait évidemment été le pire des scénarios, mais je commençais à me préparer à l’idée que nous devrions peut-être sauter. J’ai toutefois dit que nous attendrions jusqu’à la toute dernière seconde car nous savions que les pompiers finiraient par nous rejoindre. Heureusement, ils l’ont fait juste à temps.
Vous avez vécu cet épisode traumatisant à des milliers de kilomètres de vos familles respectives. Cela a-t-il été encore plus dur à vivre, selon vous?
Effectivement. Nous nous sommes demandé si nous devions appeler nos familles durant l’incendie, mais je voulais rester confiant. Nous les avons contactés depuis l’hôpital, lorsque nous étions en sécurité et que les docteurs s’occupaient de nous. Le plus difficile a été de leur annoncer la nouvelle et d’entendre leurs réactions. Je pense qu’ils avaient juste besoin d’entendre que nous allions bien et que ce moment était derrière nous. Cela a été difficile de ne pas les avoir en chair et en os près de moi. J’aurais aimé que mes parents soient là pour me soutenir. En même temps, c’est plutôt bien qu’ils n’aient pas eu à être témoins de cette scène, qu’ils n’aient pas pu nous voir dans cette situation.
Vous avez certainement perdu beaucoup d’objets durant l’incendie. Avez-vous aussi été affectés par ces pertes?
Cela a été dur à accepter de perdre des choses sentimentales pour nous. Nous avons toutefois réussi à prendre deux ou trois trucs importants pour nous dans un sac à dos, que j’ai pu emporter par la fenêtre. Les choses peuvent être remplacées, c’est certain. En fin de compte, la santé prime sur tout. Alors nous nous rappelons toujours que nous sommes en vie et que c’est ce qui compte.
Depuis, vous avez été relogés dans un nouvel appartement. Cela vous a-t-il aidé à tourner la page?
Les êtres humains sont vraiment bons pour s’adapter et aller de l’avant. Nous prenons les choses au jour le jour. J’ai toujours été assez fort mentalement, alors le plus important pour moi est de soutenir ma fiancée, avec qui je suis depuis huit ans, et de m’assurer qu’elle s’en sorte. Nous nous en sortons bien ensemble. Je ne pense pas que nous puissions être plus proches, surtout après ce qui s’est passé. Je suis fier de la façon dont nous avons géré la situation. Nous nous souviendrons probablement toute notre vie de ce moment, mais j’espère que nous y penserons de moins en moins.
Cet incendie vous a-t-il fait regretter votre choix d’avoir rejoint La Chaux-de-Fonds?
(Rires) Non, cela aurait pu arriver n’importe où. C’est quelque chose que vous ne voulez jamais voir arriver à quelqu’un d’autre ou à vous-même. C’est la vie, malheureusement. Pour être honnête, nous étions très heureux d’être ici avant l’incendie. Cela faisait un moment que je souhaitais venir jouer en Suisse. Nous allons mettre cet épisode derrière nous et je vais désormais essayer de profiter des play-off.