Phoenix: «Le Graal,  c’est d’être restés indépendants artistiquement»

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Paléo Festival NyonPhoenix: «Le Graal, c’est d’être restés indépendants artistiquement»

Presque vingt-cinq ans après ses débuts sur disque, le groupe français reste une référence inégalée dans le rock electro et l’a démontré mardi au Paléo. Interview du guitariste Christian Mazzalai.

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger

Ils sont quatre, toujours les mêmes depuis leur début, en 1999, avec leur premier album «United». Depuis l’enfance, même, passée à Versailles, en France. Thomas Mars, Deck D’Arcy et les frères Laurent Brancowitz et Christian Mazzalai forment Phoenix et restent l’un des meilleurs groupes de pop-rock et electro avec un sens de la mélodie presque parfait qu’ils ont réussi une nouvelle fois à démontrer sur leur 7e disque, «Alpha Zulu», révélé fin 2022. Avant leur concert au Paléo, qui a eu lieu mardi à 1 h du matin – la dernière date de Phoenix en Europe avant une tournée aux États-Unis puis en Asie – , le guitariste Christian Mazzalai, 49 ans, nous a accordé une interview sur un canapé du coin presse du festival.

Vous avez formé Phoenix il y a vingt-cinq ans et rien ou presque n’a changé depuis. Comment ça se passe aujourd’hui dans le groupe après tout ce temps?

Trente ans même. On était un groupe de collège, on l’a fondé très vite, et les élèves de nos classes ne le savaient pas. C’était notre petit secret. Au début, Thomas était à la batterie. Moi, déjà à la guitare. C’est mon frère qui m’a appris à 13 ans. Un accord par mois. Très lentement. Ensuite, j’ai eu le livre «Easy Beatles».

Qui amenait alors les premières compositions?

Tous les quatre. À quatre, ça a toujours été plus fort qu’individuellement.

Quel regard portez-vous sur votre carrière?

Ce que je chéris, c’est qu’on a eu un succès marche par marche. On a pu profiter de chaque étape. Dans une tournée, ce qui me plaît le plus, c’est de passer d’un grand festival comme le Paléo à un petit club. Il y a toujours des pays où on n’est pas connus.

Votre dernier album, «Alpha Zulu», n’a pas été facile à composer, c’est juste?

Oui, mais cela nous a permis d’aller vers des terrains vierges. Et c’est ce qu’on recherche sur chaque album, comme tout artiste. Il y avait la pandémie, Thomas n’était pas là, il était à New York. Puis on a enregistré au Musée du Louvre. Vide, avec juste les gardiens, parce qu’il y avait le confinement. C’était des circonstances extraordinaires. En un an et demi, Thomas n’a pu venir que vingt jours. Et pendant cette période, chaque minute valait de l’or. Donc on a tout écrit très vite, ce qui a donné quelque chose d’urgent et de très peu contrôlé. On ne pouvait pas avoir d’ingénieur du son, c’est nous qui posions les micros, ça nous a ramenés à notre premier album, quand on était adolescents.

D’où est venue l’idée d’enregistrer au Louvre?

C’est un vieux rêve. Quand on passait devant, on rigolait en disant qu’on y enregistrerait un jour. Il y avait cette scène de course la nuit dans «Bande à part» de Jean-Luc Godard qui nous avait marqués. En 2004, on a enregistré notre 2e album dans le studio de nos rêves à Los Angeles, le Sunset Sound, celui de nos idoles comme les Beach Boys et les Rolling Stones. Après ça, on est allés à Berlin dans une ex-radio communiste, un lieu de bruitage pour le théâtre allemand. On n’avait aucune chanson, on avait menti à notre maison de disques. Depuis, on fait des albums dans des lieux où personne n’est allé avant. On est comme des explorateurs qui découvrent un nouveau territoire, et c’est magique. Les disques d’or, le côté business des studios nous a toujours foutu le cafard. Ce n’est pas bon pour la création.

«Au Louvre, c’est sur le chemin menant au studio d’enregistrement que nous trouvions la plupart de nos idées»

Christian Mazallai

Dans votre studio au Louvre, qu’est-ce qui remplaçait les disques d’or sur les murs?

Des chefs-d’œuvre de l’humanité. Collé à notre studio, il y avait l’un des trônes de Napoléon. On avait des passes pour ouvrir toutes les portes, on pouvait choisir quelle salle visiter. Moi, j’adorais la médiévale. On y allait dans le noir, juste à la lumière de nos téléphones. C’était extraordinaire. On a compris très vite que, dans la création, le chemin pour se diriger au studio d’enregistrement était primordial. C’est là qu’on a trouvé la plupart de nos idées.

Il y a un mois, vous avez sorti «Odyssey», un titre avec Beck. Comment est née cette collaboration?

Beck est un artiste qu’on adore depuis l’adolescence. On avait vu un de ses concerts au Bataclan dans les années 90 qui avait carrément changé notre trajectoire. Depuis, on a fait pas mal de dates ensemble et on s’est liés d’amitié. Lui dit qu’on est ses petits frères de l’autre côté de l’Atlantique. Dans dix jours, on part en tournée pour deux mois aux États-Unis avec lui et on avait envie d’un morceau ensemble. On l’a écrit tous les cinq il y a cinq mois à Los Angeles.

Votre toute première collaboration avec un artiste se trouve sur votre dernier album. C’est avec Ezra Koenig, le chanteur de Vampire Weekend. C’est ce qui a ouvert la brèche?

Oui. On s’est toujours protégés, on a toujours été entre nous. Même notre manager est notre copain de collège. Pour nous, le Graal est de rester indépendants artistiquement. On a réussi à le faire, et c’est notre plus grande victoire. Bientôt, il y aura de nouvelles collaborations mais je ne peux pas vous dire lesquelles.

Phoenix, c’est aussi des BO de films, comme celle de «Marie-Antoinette» de Sofia Coppola (l’épouse de Thomas Mars). Vous travaillez sur celle de son prochain long-métrage qui est sur Priscilla Presley?

Exactement, on est en train de travailler dessus. On fait la direction artistique de la BO, on produit des artistes qui ont joué et on choisit les morceaux. Peut-être qu’il y aura un inédit de Phoenix, on ne sait pas encore. Ce film va être super.

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