La Chaux-de-Fonds/BiennePremier procès dans une guerre des gangs déjà mortelle
Sept accusés liés au gang chaux-de-fonnier CDF47 comparaissent ce mardi pour l’enlèvement et le passage à tabac d’un membre du groupe adverse, les biennois de 2CZ. En ouverture de procès, ils nient tous l’avoir touché, mais admettent «avoir été bêtes».
- par
- Pauline Rumpf
Le procès qui s’est ouvert mardi matin à La Chaux-de-Fonds (NE) est le premier touchant à la longue succession d’affrontements entre deux bandes de jeunes, qui a déjà coûté la vie à deux d’entre eux. Les faits reprochés ne sont même pas les plus graves de la série, mais ils donnent déjà froid dans le dos. Les sept prévenus sont accusés d’avoir participé à des degrés divers à la nuit d’enfer qu’a vécue un jeune biennois en mars 2021 (lire ci-dessous): enlevé, séquestré, tabassé à plusieurs reprises par des dizaines de personnes, et menacé s’il portait plainte… ce qu’il n’a effectivement pas fait.
Des faits unanimement contestés
L’acte d’accusation rédigé par la procureure chargée de l’énorme dossier de cette guerre de gangs, Ludivine Ferreira Broquet, est fort détaillé. Pourtant, personne dans la salle ne semble avoir fait quoi que ce soit ni vu grand chose non plus. A entendre les prévenus, personne parmi eux n’a frappé la victime, certains disent ne pas avoir été là, et d’autres assurent même s’être interposés pour la protéger. Contre qui? on ne le saura pas, car personne n’incrimine non plus ses copains. C’est à peine si certains admettent que la victime a reçu des coups sous leurs yeux.
Le seul à admettre une partie des infractions reprochées est le chauffeur de la voiture qui a transporté la victime, qui dit regretter d’avoir dénoncé ses amis. Ce jeune, qui s’est de lui-même rendu à la police, admet avoir conduit, mais rien d’autre; sa mère, appelée comme témoin, assure qu’elle n’imagine pas son fils avoir touché à un cheveu de la victime. «Il a été trop gentil, il ne sait pas dire non et ne savait pas où il mettait les pieds», estime-t-elle. Elle mentionne également les menaces émises ensuite à l’égard de son fils et de sa famille, traité de «balance». «Pour moi, il a simplement pris ses responsabilités et je regrette que les autres ne fassent pas de même», avance-t-elle.
C’est allé «beaucoup trop loin»
Certains prévenus sont également poursuivis pour d’autres faits de violence, notamment une rixe à Bienne (BE) en 2021, une agression «particulièrement violente et gratuite» à l’égard de deux hommes, ou encore des menaces armées contre des videurs de boîte de nuit. Deux des sept jeunes sont aussi accusés d’avoir agressé un jeune Biennois à l’aide d’une machette devant son école professionnelle.
La majorité des faits ne sont toutefois pas admis par les prévenus; questionnés par leurs avocats, ils énoncent tous, scolairement, leurs regrets pour des histoires qui sont allées «beaucoup trop loin». Ils admettent «avoir été bêtes», même s’ils n’avaient «aucune intention» ce soir-là et aucun autre soir.
Le procès se poursuit mardi après-midi avec le réquisitoire et les plaidoiries.
Rappel des faits
Accostée en tant que membre d’un gang rival sur un quai de gare à Neuchâtel, la victime, un jeune Biennois, s’est retrouvée encerclée par un groupe venu de La Chaux-de-Fonds. Celui-ci l’aurait rouée de coups et fait chuter sur les rails, avant de l’aider à remonter.
La victime a ensuite été menacée et embarquée de force dans le coffre de la voiture d’un des accusés, puis emmenée sur un parking, où tout un groupe les attendait. Le jeune y a été privé de sa veste, jeté au sol dans le froid et la neige, puis tabassé à nouveau, avant d’être finalement conduit dans une cave à La Chaux-de-Fonds.
Là, une vingtaine de jeunes l’ont retenu, l’ont forcé à tourner une vidéo Snapchat demandant de l’aide au gang biennois, et frappé une nouvelle fois. Le malheureux a encore été emmené dans la cour d’une école et menacé s’il parlait à la police; avant d’être finalement déposé à la gare vers 2h30 du matin.
Une rivalité qui a déjà fait deux morts
La guerre entre les montagnes neuchâteloises et Bienne n’est pas nouvelle, et avait commencé presque en battle de rap, avant de déboucher sur des événements tragiques. En novembre 2020, un ado chaux-de-fonnier a été mortellement percuté par un train à Sugiez (FR) alors que les CDF47 et les 2CZ s’étaient donné rendez-vous à Morat (FR) pour en découdre. En septembre 2021, un Neuchâtelois de 20 ans a été tué à Lausanne, au Flon, lors d’une attaque perpétrée par des Seelandais. Le 2CZ avait fait reparler de lui en juin dernier. Plusieurs de ses membres ont séquestré un mineur biennois qui avait pris ses distances avec eux. Ils l’avaient enfermé dans une cave où ils l’avaient menacé avec un pistolet d’alarme et un couteau.