ArgentineL’État argentin jugé «responsable» d’un massacre d’indigènes en 1924
Un tribunal argentin a reconnu la responsabilité de l’État dans le massacre de plus de 400 indigènes, il y a près d’un siècle, dans une réserve du nord du pays.
La justice argentine a formellement reconnu la «responsabilité» de l’État dans le massacre de plus de 400 indigènes, il y a près d’un siècle dans une réserve du Chaco (nord), lors d’un inédit «procès pour la vérité» qui a recommandé des mesures de réparation.
Le tribunal de Resistencia, au terme de six audiences étalées sur un mois, et dans un verdict lu jeudi en espagnol et en langues qom et mocoit, a considéré «prouvée la responsabilité de l’État» dans «des crimes contre l’humanité» dans le cadre d’un «génocide indigène».
En l’espèce, le tribunal a établi que «le matin du samedi 19 juillet 1924, une centaine de policiers, gendarmes et quelques civils armés, appuyés par un avion, sont arrivés dans la zone de la réserve où un millier de personnes, familles Qom et Mocoit, et des ouvriers agricoles menaient une grève», pour protester contre leurs conditions déplorables dans les champs de coton.
«Mesures de réparation historiques»
Cet équipage en armes a ouvert le feu pendant plus d’une heure et «entre 400 et 500 membres des groupes ethniques Qom et Mocoit sont morts (…), les blessés qui n’ont pu s’échapper ont été tués de la manière la plus cruelle possible», avec des mutilations, des enterrements dans des fosses communes.
Pour ce qui est connu comme «le massacre de Napalpi», dont la mémoire a réémergé depuis une quinzaine d’années après une longue invisibilité, la juge Zunilda Niremperger présidant le tribunal a ordonné des «mesures de réparation historiques».
Parmi celles-ci, la publication du verdict au Journal officiel, l’inclusion du massacre dans les programmes scolaires, la diffusion du procès à la télévision publique, la poursuite des recherches médico-légales pour exhumer et remettre des restes des victimes. Un mémorial a déjà été érigé en 2020.
«Réhabiliter la mémoire»
Le thème d’une réparation économique n’a été ni un enjeu ni une demande lors des débats, même si le jugement en théorie pourrait ouvrir la voie à des démarches au civil. Le procès de Napalpi, à large valeur symbolique, sans «accusé» en tant que tel, est néanmoins une première en Argentine, et le marqueur d’une visibilité accrue des crimes perpétrés contre les peuples indigènes lors de la construction de l’Argentine comme nation, au long du 19e siècle et au-delà.
La province du Chaco (qui n’existait pas à l’époque des faits), le secrétariat des Droits humains (gouvernemental) et l’Institut de l’Aborigène chaqueño étaient co-plaignants dans la procédure. La juge Niremperger avait prévenu d’emblée que le procès «ne recherchait pas une responsabilité pénale, mais à connaître la vérité, afin de réhabiliter la mémoire des peuples, panser les blessures, réparer et aussi activer la mémoire et la conscience de ces violations des droits humains».