AfriqueDans un Nigeria sous les eaux, les sinistrés crient leur désespoir
Les inondations qui frappent le pays africain depuis juin ont fait plus de 600 morts et 1,3 million de déplacés. De nombreux Nigérians dorment dans des camps de fortune, voire dans des arbres.

Comme de nombreux autres Nigérians, cette mère a dû fuir sa maison devant la montée des eaux et se réfugier dans une école primaire d’Ihuike, dans l’État de Rivers. C’est là qu’elle a donné naissance à son bébé, aujourd’hui âgé de 2 semaines.
AFPIl faisait nuit. Tout était noir. Et le niveau de l’eau a crû, encore davantage. Cette fois, Fortune Lawrence s’est résignée à fuir avec ses 8 enfants sur une embarcation de fortune, loin de sa maison ravagée par les flots. Voilà deux semaines que la cinquantenaire et ses «pikin» («enfants» en pidgin nigérian) ont fui les inondations les plus meurtrières de la décennie dans le pays le plus peuplé d’Afrique. La famille vit désormais dans des conditions délétères dans une école bondée près d’Ahoada, dans l’État de Rivers, dans le sud-est du Nigeria. Selon les registres, ils sont plus d’un millier à avoir trouvé refuge dans les salles de classe de ce camp de déplacés improvisé.
«J’avais peur de mourir», souffle Fortune Lawrence, entourée d’une vingtaine d’enfants, au milieu d’une salle de classe. «Ici, nous n’avons rien. Pas assez de nourriture, pas de couches ou de moustiquaire. On a besoin d’aide», lance-t-elle, les traits tirés. Selon les autorités, les inondations ont fait plus de 600 morts et 1,3 million de déplacés depuis juin à travers le pays. De mémoire de Nigérians, confirmée par les agences météorologiques, la montée des eaux cette année est particulièrement fulgurante. Bien plus qu’en 2012 et 2020.
«La famine approche»
Aujourd’hui, le Sud-Est est la région la plus touchée. Dans l’État de Rivers, ici et là, de nombreux camps de déplacés bondés accueillent ceux qui ont pu fuir. Les autres sont restés dans les villages submergés et dorment où ils peuvent, dans les arbres par exemple, alerte Obed Onyekachi, évoquant plusieurs membres de sa famille. «Il leur était impossible de venir ici. Et combien d’autres, avalés par les eaux, sont portés disparus?» demande l’homme de 32 ans, la rage dans la voix. «Les récoltes ont été détruites. On a perdu espoir. La famine approche.»
Sans bateau, se déplacer d’un État à un autre est impossible. L’approvisionnement en vivres est laborieux. Sur le principal axe routier vers l’ouest, le courant a renversé un camion-citerne. Plusieurs personnes sont mortes à cet endroit précis, selon des riverains. Certains tentent tout de même de traverser à pied, l’eau jusqu’à la taille. Les embarcations bondées, en bois et, pour les plus chanceux, à moteur, font la navette. Personne ne porte de gilet de sauvetage.
Risque d’épidémies en hausse
Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Nigeria, Fred Kafeero, a averti que les inondations augmentaient le risque de maladies comme le choléra. Dans l’école primaire d’Ihuike, dont chaque classe abrite environ 50 personnes, un volontaire s’inquiète du risque d’épidémies et d’infections. «Même l’eau du puits est contaminée.»
Il y a dix jours, le gouverneur de l’État de Rivers, Ezenwo Nyesom Wike, a approuvé la somme d’un milliard de nairas (2,2 millions de francs) pour aider les victimes des inondations, en particulier à Ahoada. Mais ici, on manque de tout. «Des femmes accouchent en ce moment avec des sages-femmes qui n’ont pas été formées, utilisant des outils non stérilisés», alerte Bukky Chika Emeyi, 27 ans, jeune volontaire de l’ONG locale IHVN.