Credit Suisse: une débâcle «honteuse»… mais pas de coupables

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CommentaireUne débâcle «honteuse»… mais pas de coupables

En cette année électorale, la déconfiture du Credit Suisse ne sera pas sans conséquences sur la campagne. L’UDC s’en prend déjà au PLR. Le PS demande une enquête.

Eric Felley
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Eric Felley
Le président de la Confédération Alain Berset salue le président de la BNS Thomas Jordan devant la cheffe des Finances Karine Keller-Sutter.

Le président de la Confédération Alain Berset salue le président de la BNS Thomas Jordan devant la cheffe des Finances Karine Keller-Sutter.

AFP

En ce lundi 20 mars, il faut d’abord avoir une pensée pour les milliers d’employés de Credit Suisse qui se réveillent avec une phénoménale gueule de bois. À quelle sauce seront-ils intégrés au sein d’UBS? Combien? À quelles conditions? Ce sont les premières victimes de l’incurie des dirigeants de la banque, qui se sont donnés en spectacle ces dernières années jusqu’à faire un déficit de 7,3 milliards de francs en 2022 et nourrir une fatale «crise de confiance».

En quelques jours, l’impensable s’est produit: UBS a mis le grappin sur la deuxième grande banque du pays pour une bouchée de pain. Dans la transaction aboutie dimanche, ce sont 109 milliards de garanties publiques qui sont avancées à Credit Suisse et UBS hors de tout processus démocratique. Cela représente quelque 12 000 francs par habitant en Suisse sortis de la fortune de la Banque nationale. Sortis de notre poche, donc.

Pas un «sauvetage»?

Cette opération s’est effectuée dans le plus grand secret, depuis la chute du cours de l’action de Credit Suisse, mercredi dernier. Le Conseil fédéral s’est réuni quatre fois pour agir dans «l’intérêt supérieur du pays», comme le prévoit la Constitution. La cheffe des Finances fédérales, Karin Keller-Sutter, a contesté dimanche le terme de «sauvetage» pour parler d’une «opération commerciale». Une façon assez claire de jouer sur les mots pour que l’opération reste dans le cadre d’une politique «libérale» et non pas étatique.

En cette année électorale, la fin du Credit Suisse est un nouvel élément dans la campagne. Dans un communiqué publié dimanche, l’UDC s’en prend à la proximité notoire des dirigeants de la banque avec le PLR. Dans son propre communiqué, le PLR s’indigne: «Ce qui s’est passé avec le Credit Suisse est une honte pour la Suisse». Un peu court. C’est surtout une honte pour ses dirigeants, notamment pour ceux qui sont issus de ses rangs. Mais sûrement pas une honte pour les citoyens lambda qui paient la note.

Assumer les conséquences?

L’UDC enfonce le clou: «Les Suissesses et les Suisses doivent répondre des erreurs de la direction et du management de Credit Suisse avec des milliards de francs de fortune nationale». Pour le PLR, il n’est pas facile d’admettre que l’on doive sauver un fleuron de l’économie libérale du pays avec d’argent public: «Le PLR est favorable à une économie de marché libérale et sociale, écrit-il. Mais celle-ci implique également que les responsables doivent assumer les conséquences positives et négatives de leurs décisions». Vraiment?

Le Parti socialiste exige justement une commission d’enquête parlementaire (CEP) pour déterminer les responsabilités au niveau politique. Mais on peut déjà prédire que les responsables de cette débâcle, année après année et largement rétribués, ne risquent en fait pas grand-chose. On leur reprochera d’avoir fait de mauvais choix «commerciaux» ou d’avoir joué de malchance dans leur stratégie d’investissements.

Quoi qu’il en soit, il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences politiques de la stratégie choisie par le Conseil fédéral dans cette affaire. Cela dépendra en grande partie de l’évolution de la santé financière d’UBS après cette acquisition. Et de l’avenir des milliards de francs engagés par la BNS, non sans risque dans la situation actuelle des marchés.

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