VaudCoupable d’avoir tué son molosse, elle est exemptée de peine
Le Tribunal d’Yverdon condamne la Vaudoise pour avoir étranglé son chien qui l’attaquait, mais la «pardonne». La défense fera appel.
- par
- Evelyne Emeri
Le verdict du Tribunal de police d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois est tombé. Et a de quoi interpeller. La sexagénaire qui a étranglé son molosse de 3 ans, alors qu’il l’a subitement attaquée le 1er juillet 2021, est jugée coupable de la mise à mort cruelle de son animal (infraction à la loi fédérale sur la protection des animaux art. 26 al. 1 let. b). Elle échappe toutefois à la moindre sanction.
La juge unique, Caroline Fauquex-Gerber, l’exempte de toute peine en raison des conséquences directes subies. Autrement dit, elle applique, fait rarissime, le fameux article 54 du Code pénal: «Si l’auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu’une peine serait inappropriée, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine».
«J’ai craint pour ma vie»
Jeanne* a été clairement meurtrie physiquement et psychiquement. Mardi 4 avril, lors de l’audience de comparution à Yverdon (VD), elle n’a pas caché ses blessures: ses cicatrices dans sa chair, ses cicatrices dans son âme. Jamais, elle n’a nié. En revanche, elle n’a eu de cesse de répéter que c’était elle ou lui et qu’elle avait tout tenté avant d’attraper une écharpe pour le maîtriser et l’étrangler: «Je l’ai d’abord mordu pour qu’il me lâche, puis je l’ai frappé avec mes jambes pour le repousser. J’ai craint pour ma vie».
Concernant cette mise à mort cruelle retenue par le Ministère public, ce dernier avait requis 60 jours-amende à 30 francs le jour avec sursis pendant 2 ans. Le tribunal a préféré assortir la condamnation d’une exemption de peine à l’encontre de celle qui venait de recueillir cet amstaff, promis à l’euthanasie dans une fourrière en France. 30 ans que la prévenue vit avec des chiens, potentiellement dangereux ou pas. Aujourd’hui, c’est un chat qui lui tient compagnie.
Amendée pour la détention
Dispensée de sanction pour l’étranglement et bien condamnée pour la seconde infraction retenue: la détention illicite de son animal (contravention à la loi vaudoise sur la police des chiens art. 12). La Vaudoise écope dès lors non pas de 300 francs d’amende comme exigé par le parquet, mais d’un montant majoré à 400 francs. Lors des débats, l’avocat de Jeanne, Me Arthur Gueorguiev, avait plaidé l’acquittement général, en s’appuyant sur l’état de nécessité licite: «L’existence d’un danger imminent ne fait aucun doute ici».
Sur le second point – détention illicite –, pièces à l’appui, il avait apporté la preuve que le chien avait été annoncé et que les affaires vétérinaires avaient octroyé à sa mandante un délai à fin août pour compléter son dossier (ndlr. autorisation pour un chien potentiellement dangereux).
Pour la défense et pour Jeanne, la chose est déjà entendue. La maîtresse de l’amstaff fera appel de sa condamnation. Pour Me Gueorguiev, ce jugement en demi-teinte ne convient évidemment pas: «Une exemption de peine en raison des conséquences subies par l’auteur de l’infraction implique que le sentiment de justice se heurte au prononcé d’une peine. Personnellement, j’ai choisi ce métier pour côtoyer ce sentiment de justice. Or, cette décision coupe certes la poire en deux mais ne rend justice ni à ma mandante ni à Tilleul». La prochaine partie se jouera devant le Tribunal cantonal. Avec le même enjeu: l’acquittement de Jeanne.
*Prénom d’emprunt