SuisseJeux vidéo: les «loot boxes» dans le collimateur d’une élue
La secrétaire générale de la FRC et conseillère nationale Sophie Michaud Gigon a déposé une interpellation à Berne pour savoir si ces pochettes-surprises aussi virtuelles qu’addictives sont conformes avec le droit suisse.
- par
- Christine Talos
Si vous jouez aux jeux vidéo, vous ne pouvez pas les manquer: il s’agit de ces «pochettes-surprises» virtuelles connues sous le nom de «loot boxes». Les joueurs les achètent contre quelques dizaines de centimes en espérant obtenir du contenu intéressant pour progresser: un personnage, une arme puissante, etc. Hic: le taux d’apparition des objets les plus convoités est très bas. Le joueur est donc tenté de reverser quelques sous pour obtenir enfin le coup de pouce désiré.
Des mécanismes d’addiction
Ces contenus aléatoires font l’objet d’une interpellation que la conseillère nationale Sophie Michaud Gigon (Verts/VD) vient de déposer auprès du Conseil fédéral. L’élue s’inquiète notamment de leur effet sur les jeunes – et donc sur leurs parents qui tiennent les cordons de la bourse. Car ces «loot boxes» introduisent chez les joueurs des mécanismes proches des jeux d’argent basés sur le modèle des loteries, explique-t-elle. Elle demande donc au Conseil fédéral si elles sont légales, notamment dans le cadre de la législation sur les jeux d’argent et de la protection de la jeunesse.
Sophie Michaud Gigon y voit aussi un autre problème: «Des contrôles sont-ils effectués pour s’assurer qu’un certain nombre de lots gagnants soit garanti?» interroge-t-elle. Il y a en outre les risques de concurrence déloyale. En effet, «les loot boxes sont achetées par le biais d’une monnaie virtuelle, elle-même échangée contre des francs suisses», explique l’élue. Or le joueur ne connaît pas «le taux de change» en francs d’une loot box. Elle se demande dès lors si cette pratique est en adéquation avec la loi, notamment les règles en matière d’indication sur les prix.
D’autres pays ont commencé d’agir
La secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC) n’est de loin pas la seule à s’inquiéter au sujet de ces «loot boxes». La Belgique et les Pays-Bas, conscients eux aussi des risques sur les jeunes et les personnes vulnérables, les régulent désormais comme des jeux d’argent. Ce qui signifie concrètement que ces contenus virtuels ne sont plus accessibles aux mineurs dans ces pays. L’Espagne vient de décider elle aussi de légiférer sur le sujet. En outre, le Conseil norvégien des consommateurs (NCC) a publié récemment un rapport plutôt accablant sur ces «pochettes-surprises», accusées d’exploiter les joueurs «par des mécanismes prédateurs» et d’encourager leur dépendance. Le texte s’accompagne d’une action coordonnée d’une vingtaine d’associations de consommateurs dans 18 pays d’Europe.
Sophie Michaud Gigon, qui travaille depuis des mois avec ses homologues européens sur ce dossier, a choisi de déposer d’abord une interpellation à Berne pour connaître la position du Conseil fédéral et obtenir une réponse rapide sur les questions relatives au droit suisse. «Il s’agit aussi de faire prendre conscience de l’étendue du problème», ajoute-t-elle. «Nous verrons ensuite, en fonction des réponses comment nous allons continuer».