PologneUn Polexit? Varsovie veut rester dans l’UE, assure le Premier ministre
Au lendemain d’une décision de justice qui pourrait conduire au «Polexit», Bruxelles et d’autres capitales européennes n’ont pas manqué de réagir sévèrement.
Le gouvernement polonais a assuré vendredi que la Pologne souhaitait rester dans l’Union européenne, alors qu’il était confronté à des réactions de plus en plus vives contre une décision de justice qui, selon des analystes, pourrait conduire au «Polexit». La décision de la Cour constitutionnelle polonaise a contesté la primauté du droit européen sur le droit polonais, jugeant plusieurs articles des traités européens «incompatibles» avec la Constitution du pays.
Le tribunal a aussi averti les institutions européennes de ne pas «agir au-delà de leurs compétences» en s’ingérant dans les réformes du système judiciaire polonais, qui constituent une pomme de discorde majeure avec Bruxelles.
«L’entrée de la Pologne et des pays d’Europe centrale dans l’Union européenne est l’un des faits marquants de ces dernières décennies. Pour nous, mais aussi pour l’UE elle-même», a déclaré le chef du gouvernement conservateur nationaliste polonais, Mateusz Morawiecki. «La place de la Pologne est et sera dans la famille européenne des nations», a-t-il ajouté dans une publication sur Facebook après que l’ancien président du Conseil européen, et actuel chef de l’opposition centriste dans le pays, Donald Tusk a appelé à un rassemblement dimanche à Varsovie «pour défendre une Pologne européenne».
Bruxelles et d’autres capitales européennes ont réagi sévèrement. Jeudi, le commissaire européen à la justice Didier Reynders a averti que l’UE utiliserait «tous les outils» à sa disposition pour garantir la primauté du droit communautaire. Avant le jugement, l’Union européenne avait prévenu que l’affaire pourrait avoir des «conséquences» pour le versement à la Pologne des fonds européens de relance, les projets polonais concernés n’ayant toujours pas reçu l’approbation de Bruxelles.
Le ministre français des Affaires européennes, Clément Beaune, a qualifié vendredi le jugement du tribunal polonais d’«attaque contre l’UE». «C’est gravissime (…). C’est le risque d’une sortie de facto» de l’UE, a-t-il déclaré à BFM-TV.
De son côté, le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a appelé la Pologne à respecter «pleinement» les règles communes de l’Union européenne. «Quand un pays décide politiquement de faire partie de l’UE, il doit également veiller à ce que les règles convenues soient pleinement appliquées», a assuré le chef de la diplomatie dans le groupe de journaux Funke.
Et leur homologue luxembourgeois Jean Asselborn de constater que le gouvernement polonais «joue avec le feu» et pourrait provoquer «une rupture» avec l’Union européenne.
Dans l’UE depuis 2004
Icône de la liberté en Pologne, Lech Walesa, chef historique du syndicat Solidarité et premier président de la Pologne post-communiste, a appelé à de nouvelles élections nationales pour «sauver l’honneur de la Pologne». La Pologne et d’autres pays d’Europe centrale et orientale ont rejoint l’Union européenne en 2004, 15 ans après que le mouvement syndical de Lech Walesa avait contribué à renverser le régime communiste.
Dans son message sur Facebook, M. Morawiecki a cherché à minimiser les implications de l’arrêt en déclarant que le principe de la supériorité du droit constitutionnel sur les autres sources de droit avait déjà été énoncé par les tribunaux d’autres États membres. «Nous avons les mêmes droits que les autres pays. Nous voulons que ces droits soient respectés», a écrit M. Morawiecki.
Mais selon des experts, cette décision, qui doit encore être publiée officiellement pour avoir force de loi, pourrait constituer un premier pas vers une sortie de la Pologne de l’UE. «Le jugement est absolument incompatible avec le droit de l’Union européenne et il devrait tout simplement être ignoré dans les jugements des tribunaux ordinaires», a déclaré à la radio TOKFM Piotr Bogdanowicz de l’Université de Varsovie. Adam Bodnar, ancien médiateur polonais pour les droits de l’homme, a estimé sur TOKFM que le jugement constituait un Polexit «sans le nommer».
«Faire respecter les principes fondateurs» de l’UE
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est engagée vendredi à «faire respecter les principes fondateurs» de l’UE sur la primauté du droit européen et des arrêts de la Cour de justice, après une retentissante décision de la Cour constitutionnelle polonaise.
«Je suis profondément préoccupée par la décision de la Cour constitutionnelle polonaise», a-t-elle déclaré dans un communiqué, précisant que la Commission allait l’étudier «en détail et rapidement», avant de décider des «prochaines étapes». Cette décision conteste la primauté du droit européen sur le droit polonais, jugeant plusieurs articles des traités européens «incompatibles» avec la Constitution du pays.
«Nos traités sont très clairs. Toutes les décisions de la Cour de justice de l’UE s’imposent à toutes les autorités des Etats membres, y compris aux tribunaux nationaux. Le droit de l’UE prime sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles», a-t-elle dit, précisant que «c’est ce à quoi tous les Etats membres de l’UE ont adhéré». «Nous allons utiliser tous les pouvoirs dont nous disposons en vertu des traités pour garantir cela», a-t-elle ajouté. La responsable allemande a précisé que la Commission allait étudier «en détail et rapidement» la décision polonaise, avant de décider des «prochaines étapes».