Crise ukrainienneLe dialogue de sourds continue entre Washington et Moscou
Jeudi, la tension ne redescendait toujours pas dans la crise ukrainienne entre la Russie, qui assure retirer ses troupes, et les États-Unis, qui affirment le contraire.
Le dialogue de sourds s’est poursuivi jeudi, dans un contexte toujours plus volatil, entre les États-Unis qui redoutent désormais une attaque de l’Ukraine «dans les prochains jours», et la Russie qui a annoncé au contraire de nouveaux retraits militaires.
La confrontation a pris un tour particulièrement solennel à l’ONU: le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken est venu devant le Conseil de sécurité exhorter les Russes à «abandonner la voie de la guerre». «Toutes les indications que nous avons, c’est que (les Russes) sont prêts à entrer en Ukraine, à attaquer l’Ukraine», avait dit auparavant le président américain Joe Biden, jugeant l’offensive possible «dans les prochains jours».
«Fausse alarme»
La Russie a, selon les Occidentaux, déployé plus de 100’000 soldats et leurs équipements dans le voisinage de l’Ukraine en vue d’une offensive. Washington assure que, loin de réduire sa présence militaire, la Russie l’a augmentée de 7000 militaires.
Joe Biden a aussi répété un avertissement devenu incontournable dans la communication des Américains: la Russie prépare, selon lui, un prétexte, une «fausse alarme», dans le conflit entre Kiev et des séparatistes prorusses dans l’Est ukrainien, qui justifierait son intervention. Les Britanniques ont émis la même mise en garde, alors que les affrontements se sont intensifiés jeudi dans la région.
École bombardée
De son côté, la Russie a annoncé de nouveaux retraits militaires des abords de l’Ukraine, diffusant des images de trains chargés d’équipements et annonçant le retour d’unités dans des casernes éloignées de l’Ukraine. Mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky a indiqué ne pas avoir vu de diminution des troupes, tout juste de «petites rotations».
La crise russo-occidentale, qui menace de dégénérer depuis des semaines, a pris un tour encore plus volatil, jeudi, avec des échanges de tirs à l’arme lourde accrus dans le Donbass, où les forces ukrainiennes sont confrontées depuis huit ans à des séparatistes prorusses. Les deux camps se sont rejeté la responsabilité des heurts.
L’armée ukrainienne a dénoncé jeudi une attaque contre Stanitsa Louganska qui a privé la moitié de cette localité d’électricité et laissé un trou d’obus dans le mur d’une école, des briques jonchant une pièce au milieu de jouets d’enfants. Les séparatistes de Lougansk ont, eux, accusé Kiev d’être responsable d’une multiplication des bombardements à l’arme lourde pour eux-mêmes «pousser le conflit vers une escalade».
Situation «extrêmement dangereuse»
Le Kremlin a jugé la situation «extrêmement dangereuse» du fait de la «concentration extrême des forces ukrainiennes». Le dialogue de sourds entre les deux grandes puissances a été parfaitement illustré jeudi, lors de la séance du Conseil de sécurité.
«Je n’ai aucun doute sur le fait que la réponse à mes déclarations ici aujourd’hui sera faite de nouvelles dénégations du gouvernement russe», a dit le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, tout en proposant une rencontre «la semaine prochaine» à son «homologue russe Sergueï Lavrov».
Le secrétaire d’État américain, très grave, a détaillé à quoi ressemblerait une attaque massive de l’Ukraine par la Russie. Il en a appelé à la responsabilité historique de Moscou. Avant lui, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Verchinine, extrêmement posé, avait refusé de s’étendre sur ce qu’il a qualifié de «spéculations». Il a plutôt énuméré les multiples griefs de Moscou envers l’Ukraine, accusée de ne pas appliquer les Accords de Minsk de 2015, censés pacifier l’est séparatiste.
«La Russie sera forcée de réagir»
En cas de refus, «la Russie sera forcée de réagir, notamment par la mise en œuvre de mesures à caractère militaire et technique», a menacé la diplomatie russe. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko, allié de la Russie, a ainsi déclaré, jeudi, que son pays, aux portes de l’UE, serait prêt à accueillir désormais des «armes nucléaires», dont il ne dispose pas depuis la chute de l’URSS.
Moscou insiste sur «le retrait de toutes les forces et armements des États-Unis déployés en Europe centrale et orientale, au sud-est de l’Europe et dans les pays baltes» et attend également des propositions des Occidentaux pour un «renoncement à tout élargissement futur de l’OTAN», à l’Ukraine en particulier.