France – «J’ai eu peur pour ma vie, j’ai pris la rallonge, j’ai serré»

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France«J’ai eu peur pour ma vie, j’ai pris la rallonge, j’ai serré»

À l’ouverture de son procès pour meurtre, Laurence S., 53 ans, a expliqué mercredi avoir étranglé son époux pour se défendre après qu’il avait tenté de l’étouffer avec un oreiller.

Laurence S., jugée pour avoir étranglé son mari avec une rallonge de fer à repasser en 2015, a expliqué mercredi, au premier jour de son procès pour meurtre, avoir agi en légitime défense.

Laurence S., jugée pour avoir étranglé son mari avec une rallonge de fer à repasser en 2015, a expliqué mercredi, au premier jour de son procès pour meurtre, avoir agi en légitime défense.

AFP

«La dégringolade» d’une femme «brutalisée, soumise, à bout»: à l’ouverture du procès de Laurence S. pour le meurtre de son mari devant les Assises du Pas-de-Calais, la cour a retracé mercredi leurs vingt-neuf ans de vie commune, des «premières violences» à «l’enfer» des derniers mois.

Dès leur rencontre, «il était très autoritaire, il avait l’habitude de l’humilier. Au fil des années, ça s’est détérioré. Elle a perdu son emploi. Ils se sont endettés, ça a été la descente aux enfers», résume à la barre la mère de l’accusée, d’une voix étranglée.

«Quand je l’avais au téléphone, je savais s’il était dans la pièce. On sentait qu’elle avait peur, s’émeut la septuagénaire. Pour moi, c’était elle ou lui. Elle s’est défendue.»

Début avril 2015, le corps de Reynald S., 49 ans, était découvert allongé sur le lit conjugal, mort depuis une quinzaine de jours et en état de putréfaction.

Sa femme, Laurence, 47 ans au moment des faits, était restée cloîtrée dans l’appartement. Elle avait rapidement expliqué qu’au cours d’une violente dispute elle avait étranglé son mari avec la rallonge du fer à repasser, alors qu’il venait d’essayer de l’étouffer avec un oreiller.

Sous l’emprise d’un père puis d’un époux violents

«J’ai eu peur pour ma vie», alors «j’ai pris la rallonge» et «j’ai serré», explique l’accusée. Avant d’hésiter, alors que l’enquête n’a pas permis d’identifier précisément les causes du décès: «Je pense l’avoir fait (…) mais je me demande si c’est vraiment arrivé.»

«Vous aviez réussi à pousser l’oreiller et quitter le lit (…) Pourquoi ne pas avoir quitté la pièce?» demande la présidente. «Je n’avais pas le droit de partir. Je ne pouvais pas. Il m’avait dit de rester là», répond Laurence S., veste bleue, sobre, et cheveux courts.

À la barre, l’enquêtrice de personnalité retrace une enfance «peu heureuse», «sous l’emprise» d’un père souvent alcoolisé, violent avec sa mère. Après des études courtes, Laurence S. est embauchée comme caissière dans un supermarché, puis rencontre son époux en 1986.

Claques, gifles, coups

Selon ses proches et collègues, Reynald est «insultant, dénigrant», il l’enferme, «limite ses dépenses, ses horaires» de sortie, l’isole et ne lui témoigne aucune affection.

Au bout de quelques années, Laurence S. a une liaison, et son mari bascule alors dans la violence physique, «claques, gifles, coups», selon l’enquêtrice.

Dépressif après le décès de son père, atteint de troubles bipolaires, Reynald S. est placé en invalidité en 2005. Mais le couple continue de «dépenser, faire des travaux». Alors, pour éponger les dettes, «apaiser le climat», Laurence vole régulièrement son employeur, et perd son travail.

Il la réveillait la nuit en la tirant par les cheveux

«Vers la fin, il la tyrannisait, la réveillait la nuit, la tirant par les cheveux, pour qu’elle lui fasse son café», relate la professionnelle. D’après l’accusée et plusieurs proches, il avait «menacé de la tuer avec sa fille si elle partait».

Timidement, Laurence S. témoigne de «sa peur» constante, acquiesce à l’évocation de la «légitime défense». «Dans un sens, je suis soulagée, avec toute la souffrance que j’ai eue», sanglote-t-elle.

«Finalement, tout le monde soutient Madame», observe la présidente, y compris au sein de la famille du défunt, dont aucun membre ne s’est porté partie civile.

Défendue par sa belle-sœur

«Si on ne peut cautionner ton geste, on le comprend», écrira même A., la sœur de Reynald à l’accusée, dans une lettre lue à l’audience.

«Si ma belle-sœur n’avait pas fait ça, je pense qu’elle ne serait plus en vie aujourd’hui (…) Tout est de la faute de mon frère», répète-t-elle devant la cour, alors que la présidente s’apprête à clore les débats pour la journée.

Jeudi, la cour se penchera sur les circonstances du décès, alors que, selon le rapport d’autopsie, corroboré par des analyses complémentaires, les constatations scientifiques ne sont «pas compatibles» avec une strangulation à l’aide d’un câble ou d’un lien.

Verdict vendredi.

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