SerbieUn «climat de violence, de peur et de pression sur les électeurs»
Pressions, intimidations, publication de vidéos intimes … L’opposition a de grandes difficultés à faire campagne à l’approche des élections législatives du 17 décembre.
![Un panneau d'affichage pré-électoral montrant le président serbe Aleksandar Vucic (à gauche) et Aleksandar Sapic, candidat à la mairie de Belgrade. Un panneau d'affichage pré-électoral montrant le président serbe Aleksandar Vucic (à gauche) et Aleksandar Sapic, candidat à la mairie de Belgrade.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/12/13/2536ed4d-68a5-4b65-b984-db657e0d92a6.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1365&fp-x=0.5&fp-y=0.5003663003663004&s=e4279b9f5defba56a3af80cbf434f03f)
Un panneau d'affichage pré-électoral montrant le président serbe Aleksandar Vucic (à gauche) et Aleksandar Sapic, candidat à la mairie de Belgrade.
AFP«A chaque fois», explique Borko Stefanovic, candidat de la liste d’opposition Serbie contre la violence, «on se dit que ça n’a jamais été pire. Qu’ils ne se sont jamais comportés de manière aussi violente. Mais malheureusement, cette fois encore, nous sommes confrontés à une peur énorme, partout en Serbie... Nous vivons dans un pays de violence, de corruption et de criminalité terrible».
Des «niveaux jamais vus d’incitation à la peur»
En 2018, Stefanovic, déjà candidat de l’opposition, a été agressé par un groupe d’hommes que son parti a accusé d’être proches du pouvoir. Des photos le montrant la tête ensanglantée avaient déclenché un immense mouvement de protestation.
«Le climat de violence, de peur et de pression sur les électeurs est le résultat» de l’union «de l’ancienne famille politique – de Seselj, Vucic et Dacic», estime-t-il, en référence à certains alliés du président, Aleksandar Vucic : Vojislav Seselj, condamné pour crimes contre l’humanité, et Ivica Dacic, ministre et ancien porte-parole de l’ex-président yougoslave Slobodan Milosevic.
Fin novembre, une délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a exprimé son inquiétude face à une campagne électorale polarisée, à des «niveaux jamais vus(...) d’incitation à la peur et d’attaques contre l’opposition». Les tensions s’intensifient à mesure que la campagne progresse.
Les opposants traînés dans la «boue médiatique»
Le 17 novembre, c’est un incendie qui s’est déclaré chez Slavisa Momcilovic, président du comité municipal du Parti démocrate et candidat aux élections locales à Prokuplje, dans le sud-est de la Serbie. Ses machines agricoles d’une valeur de plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été détruites, mais la police n’a toujours pas déterminé qui en était responsable. «Nous sommes exposés à des pressions, à des chantages, à des menaces...», explique Mocilovic.
Dès le début de la campagne, l’une des cibles favorites des attaques était Djordje Miketic, candidat de la liste Serbie contre la violence à Belgrade. Elles ont atteint un niveau inédit lorsqu’une vidéo intime a été diffusée – d’abord sur les réseaux sociaux, puis sur une chaîne de télévision privée réputée proche du pouvoir. La veille de sa diffusion, le président Aleksandar Vucic avait qualifié Miketic de «honte humaine». Selon ce dernier, il n’y a pas un représentant de l’opposition qui n’ait pas été traîné dans «la boue médiatique» en Serbie.
«Nulle part nous n’avons eu un seul conflit»
Car l’opposition peine à exister médiatiquement : les apparitions d’Aleksandar Vucic monopolisent environ 40% du temps d’information sur les chaînes nationales, selon une étude du Bureau pour la recherche sociale (BIRODI), un think tank qui étudie notamment les temps d’antenne. Un chiffre qui monte à plus de 70% si l’on ajoute les sujets sur le gouvernement, la Première ministre ou le parti.
Les autorités, elles, affirment que la campagne se déroule sans incidents majeurs et sans manipulations. «Nulle part nous n’avons eu un seul conflit - ce qui arrive dans des pays beaucoup plus développés, avec une tradition démocratique plus ancienne que la nôtre. Je pense que c’est une bonne chose. Je dis cela en tant que président de la République», a déclaré Aleksandar Vucic le 6 décembre.