Festival de CannesMichelle Yeoh: «Il n’y aura pas de suite à Everything Everywhere All at Once»
L’actrice parle du changement qu’elle peut voir autour d’elle depuis sa victoire aux oscars. Lematin.ch a assisté à sa conférence.
- par
- Fabio Dell'Anna Cannes
Michelle Yeoh a été choisie par le Festival de Cannes et le groupe Kering pour recevoir le prix «Woman in Motion» le 21 mai. Pour l’occasion, l’actrice a donné une conférence à Cannes à laquelle lematin.ch a assisté.
Lorsque la star de 60 ans entre dans la chambre de l’hôtel Majestic Barrière à 11 h, plus personne ne parle. Elle rayonne. Habillée d’un ensemble noir et blanc, des baskets aux pieds, la comédienne qui vient de gagner un Oscar et un Golden Globe grâce à son rôle dans «Everything Everywhere All at Once» a parlé d’emblée du changement positif qu’elle voit dans l’industrie du cinéma de nos jours. Elle espère que sa récente victoire, en tant que première femme asiatique à recevoir un Oscar, ouvrira surtout les portes à d’autres personnes.
Avant de répondre aux questions, elle confie avec humour être ravie d’être à Cannes. «Il y a une bonne atmosphère à chaque fois et nous sommes tous présents pour l’amour du cinéma… Et vendre nos projets.»
Quel est votre souvenir préféré du festival?
Certainement la première fois que j’y suis venue. C’était pour la première de «Tigre et Dragon» en 2000. Cannes peut être un très bel endroit, mais cela peut être aussi violent. Si votre film n’est pas apprécié, les gens vous le font savoir très rapidement. (Rires.) Heureusement, nous avons été chanceux. Je me rappelle que notre producteur, Bill Kong, était venu nous dire que nous avions eu une standing ovation au milieu de la séance, après la première scène de combat où nous courrions sur des toits. Apparemment, c’était très rare.
Vous avez gagné l’Oscar de la meilleure actrice avec «Everything Everywhere All at Once» en mars dernier. Il s’agit de la première fois qu’une femme asiatique remporte ce prix. Réalisez-vous enfin?
Honnêtement, toujours pas. (Rires.) Nous avions commencé à faire la promotion du film un an avant les oscars. Cela a été une longue aventure. «Everything Everywhere All at Once» est devenu un film du public. Même les réalisateurs ont rapidement reconnu que c’était le langage du futur dans le cinéma. On demande toujours de l’originalité, de la différence, de l’inclusivité… Tous ces adjectifs. Et ce long-métrage coche toutes les cases. Je me rappelle qu’on avait terminé de filmer le jour où le lock-down avait commencé. C’était une chance, car pour un film indépendant cela aurait été compliqué de nous retrouver tous quelque temps plus tard.
Qu’est-ce qui a changé ces dernières années dans le cinéma?
La diversité. Cela a commencé avec «Crazy Rich Asians». Avant, le dernier casting majoritairement asiatique produit par des Américains «Joy Luck Club», il y a vingt-six ans. Je me demandais presque pourquoi les minorités existent si elles ne sont jamais représentées. Et qu’est-ce qui se serait passé si «Crazy Rich Asians» n’avait pas été un succès? On aurait attendu vingt-cinq ans pour faire un autre film de ce genre? Heureusement, le marketing et l’histoire du projet étaient parfaits. Puis il y a eu «Shang-Chi» avec le premier superhéros asiatique de Marvel, qui nous a ouvert encore plus les portes. Avec «Everything Everywhere All at Once» on a dépassé toutes les limites. Ce que je trouve incroyable, c’est que je reçois désormais toutes sortes de rôles, peu importent mes origines asiatiques.
Plusieurs personnes de l’industrie pensaient que vous auriez dû être nommée aux oscars pour votre rôle dans «Tigre et Dragon». Pensez-vous que l’Académie n’était pas prête?
Oui. Il y a tellement de grands films asiatiques qui sont sortis lors de cette période. Et il y a énormément d’actrices asiatiques qui auraient dû être nommées avant moi. Mais j’ai envie d’avancer maintenant, et j’aime voir qu’il y a de plus en plus de projets inclusifs de nos jours.
Gagner un oscar change une vie. Est-ce que vous avez déjà pu remarquer des changements?
Oui, bien sûr. Pour commencer cela a généré tellement de fierté pour mon pays (ndlr.: la Malaisie). J’ai entendu un rugissement venant de l’Est lorsque j’ai gagné. Nous allions déjà dans la bonne direction et cette victoire a juste affirmé que nous existons et que nous voulons rester. Ce moment n’était pas seulement pour moi. Cela doit servir à créer des opportunités pour d’autres actrices.
Est-ce qu’il y aura une suite à «Everything Everywhere All at Once»?
Non, il n’y en aura pas. On referait juste exactement la même chose. Nous avons combattu déjà notre plus grand ennemi et notre message était de rappeler que chacun d’entre nous est un superhéros. Nous sommes tous dotés du pouvoir de l’amour, de la compassion et de la gentillesse.
Et pour «Crazy Rich Asians»?
J’ai entendu que c’est en discussion. Le réalisateur, Jon Chu, doit trouver une histoire qui soit encore mieux que la première et cela prend du temps.
Qu’avez-vous planifié pour la suite de votre carrière?
Si je dois répondre quelque chose d’intelligent, je dirais: «Prendre deux semaines de vacances.» (Rires.) J’aime ce que je fais, mais je travaille non-stop. D’autant plus qu’être actrice n’est pas seulement un travail. Vous vivez de votre passion. Je n’avais pas compris qu’il fallait littéralement partir en campagne pour qu’«Everything Everywhere All at Once» soit nommé aux Oscar. Je me rappelle en avoir parlé avec Jamie Dornan. Il avait déménagé, avec sa famille, à Los Angeles pendant trois mois pour la promotion du film «Belfast». Il n’avait finalement pas reçu de nomination en tant que meilleur acteur. J’ai été plus chanceuse. Dès que j’aurai fini de tourner la comédie musicale «Wicked» dans deux mois, j’éteindrai mon téléphone pendant une quinzaine jours et je prendrai du temps pour moi.