Les athlètes s’inquiètentLe changement climatique bouleverse (aussi) le sport
Comme le ski cet hiver, les disciplines de plein air pâtissent beaucoup de la modification du climat. Le Kenya veut faire de ses coureurs des ambassadeurs pour sensibiliser à la problématique.
- par
- Adrien Schnarrenberger
Le Kenya est l’une des places fortes de l’athlétisme. Depuis 1956 et son arrivée aux Jeux olympiques, la nation africaine a raflé 92 médailles dans ce sport, soit davantage que la Suisse toutes disciplines confondues (91). Mais cette razzia pourra-t-elle continuer? Rien n’est moins sûr.
La faute au changement climatique, qui n’épargne logiquement pas le sport. Le Comité international olympique (CIO) ne fait pas dans la mesure: «Nous nous attendons à perdre 20% de nos 206 nations olympiques d’ici à 2030», prédit la Française Julie Duffus, responsable du développement durable au sein de l’organisation basée à Lausanne.
Si le Kenya n’est pas directement menacé dans son existence à une échéance aussi proche, le changement climatique complique énormément la pratique du sport. C’est le constat de Madeleine Orr, professeur assistant à l’Université de Toronto.
Pour rédiger son ouvrage à paraître sur le sujet, elle s’est rendue dans le sud-ouest du Kenya. Cette toute petite région de l’Est africain a offert à elle seule 13 des 18 vainqueurs du 3000 m steeple depuis l’apparition de la discipline en 1983 aux Mondiaux d’athlétisme.
Les Fidji, territoire menacé
Or, ce «QG» des meilleurs coureurs du monde, idéalement situé à 2400 mètres d’altitude, ne sera peut-être plus pour longtemps le berceau des champions. Les épisodes de chaleur extrême, de plus en plus fréquents, mettent les organismes à rude épreuve. «Si l’on ne trouve pas rapidement des solutions, la sécheresse va couper la route aux athlètes kenyans», s’alarme Jackson Tuwei, président de la Fédération nationale d’athlétisme.
Le Kenya est l’un des pays les plus touchés de la planète, mais il n’a que peu de leviers: ses contributions aux émissions de gaz à effet de serre représentent 0,05% du total mondial, explique la scientifique dans le «Guardian». Raison pour laquelle le pays africain mise tout sur ses meilleurs ambassadeurs: les coureurs. «Nous voulons qu’ils performent en compétition, mais surtout qu’ils parlent et sensibilisent à cette problématique», insiste Jackson Tuwei.
Il n’y a pas que les Kényans à s’inquiéter. La pratique du sport est devenue extrêmement compliquée au Pakistan, pays ravagé par les inondations. Et les îles Fidji, une nation principalement connue grâce aux exploits de ses rugbymen, pourraient bien perdre cette carte de visite. «La montée des eaux menace les plages et force les populations à se déplacer dans les terres.»
Dans le cas de cet archipel d’un million d’habitants (pour 80’000 licenciés du ballon ovale!), il ne s’agit pas seulement du destin des terrains de rugby, souvent situés sur les plages, mais d’une menace existentielle.
* Warming Up: How Climate Change is Changing Sport, à paraître le 9 mai