Hockey sur glaceLes préplay-offs sont-ils vraiment une bonne trouvaille?
Directement concernés avec Lugano et Ge/Servette, Chris McSorley et Marc Gautschi se sont exprimés sur la place et le format de ces mini-séries au sein du championnat de National League.
- par
- Chris Geiger - Lugano
Bienne et Davos lors du précédent championnat, Ge/Servette cette saison: depuis l’introduction des préplay-offs au début de l’exercice 2020/2021, les équipes classées aux 7e et 8e rangs au terme de la saison régulière de National League ont toutes été éliminées lors de ces mini-séries au meilleur des trois matches. À l’heure d’accueillir Ambri (10e) ce mardi soir à la Vaudoise aréna (coup d’envoi à 19h45) pour un acte III de tous les dangers, Lausanne (7e) se retrouve dans une position bien inconfortable.
Cette froide réalité autour des formations supposément favorites met-elle en évidence une quelconque défaillance dans la nouvelle formule? «Avec ces préplay-offs, on ne sait plus trop à quoi sert la saison régulière. Ça met des équipes qui font une bonne saison dans une situation un peu délicate», avait regretté Noah Rod, vendredi dernier, au terme de l’acte I perdu par les Aigles devant Lugano (1-2).
Quarante-huit heures plus tard, les hommes de Jan Cadieux concédaient une deuxième défaite consécutive contre les Tessinois (4-3 ap) et, de facto, voyaient leur saison prendre fin de façon prématurée. Un scénario cruel pour une équipe grenat qui avait buté sur la barre fatidique pour un minuscule point.
«Le format est dur, comme on avait déjà pu le constater avec Bienne la saison dernière, concède Marc Gautschi. Les Seelandais s’étaient battus pour le Top 6 jusqu’au dernier match de la saison régulière, avant d’être éliminés en préplay-offs. Malheureusement, on a vécu exactement la même chose durant cet exercice. Lorsque tu joues ta qualification directe pour les play-offs jusqu’au bout et que tu finis par échouer de justesse, alors l’impact sur le mental et le physique est énorme.»
Il est néanmoins attendu des joueurs qu’ils digèrent leur désillusion le plus vite possible – en l’occurrence en quatre jours pour Ge/Servette – et qu’ils retrouvent leurs esprits dès le premier acte de la série, le format au meilleur des trois matches ne laissant aucune marge de manœuvre. Mais est-ce bien réalisable?
«Quand tu rates les play-offs pour un point, c’est clair que ça affecte le moral, surtout qu’on avait l’espoir de passer au-dessus de la barre jusqu’au dernier match de la saison régulière à Langnau, poursuit le directeur sportif du GSHC. Ce qui est certain, c’est qu’on avait tout à perdre. Si on avait été sûrs de ne pas terminer dans les six premiers, on aurait pu préparer sereinement les préplay-offs lors des 3-4 dernières parties comme l’a fait Lugano. Ça aurait été un avantage.»
Il faut dire que les Tessinois, distancés de 12 points par Ge/Servette au classement, n’avaient plus grand-chose à jouer au cours des dernières journées de championnat. L’approche de la mini-série a-t-elle dès lors été plus aisée pour les Bianconeri?
«Toutes les équipes présentes en préplay-offs connaissaient les conséquences et les risques, surtout avec un format au meilleur des trois matches, nuance Chris McSorley. De notre côté, on savait que la série allait être difficile. Mais il en était exactement de même pour Ge/Servette. Je ne dirais donc pas que c’est plus compliqué de se remobiliser pour les équipes classées aux 7e et 8e rangs.»
Pourtant, depuis l’introduction des préplay-offs, aucune de ces formations n’est parvenue à obtenir son ticket pour les séries finales. Un constat cocasse.
Moral sapé
«Il est vrai que c’est un fait assez surprenant, s’amuse l’entraîneur de Lugano. Ça ne veut pas dire pour autant qu’il soit préférable de finir le plus bas possible. Ce n’est pas un avantage, au contraire. Les deux équipes les mieux classées ont la chance de pouvoir jouer deux fois à la maison. D’ailleurs, je suis sûr que, si on avait dû retourner à Genève ce mardi soir, l'acte III aurait été extrêmement difficile.»
On ne le saura jamais. Par contre, on peut supposer que ce même scénario, qui se répète série après série de préplay-offs, est dû à un contre-coup mental de la formation favorite. Une défaillance qui serait alors directement imputable au staff technique, selon le coach ontarien.
«Normalement, le coaching staff doit avoir le contrôle sur le mental de son équipe, explique-t-il. Une chose est sûre: il ne faut jamais jouer la victime, encore moins devant les médias. Si Ge/Servette avait envoyé le message que les préplay-offs étaient injustes, ça aurait été un bonus pour nous. Mon avis est qu’on a 52 matches pour faire évoluer notre destinée vers le Top 6. Aucune équipe ne peut donc se plaindre.»
Un constat que partage Marc Gautschi, malgré la grosse déception vécue dimanche soir à la Cornèr Arena. «S’il y a un sentiment d’injustice? Non, je ne crois pas. On connaissait le modus au début de la saison. Lugano a remporté ces deux matches et il faut l’accepter. Par contre, il faudra éviter de se retrouver dans une telle situation à l’avenir.»
Initialement adopté en mai 2020 par les clubs de National et de Swiss League à la suite des bouleversements induits par la pandémie de Covid-19, ce système de préplay-offs est bien parti pour perdurer. Une bonne chose selon le directeur sportif des Aigles.
«Avec l’augmentation du nombre d’équipes, il fallait faire quelque chose car cinq à six clubs pouvaient voir leur saison se terminer de manière prématurée, explique-t-il. Les dernières journées de la saison régulière ont été passionnantes pour les fans avec une lutte à tous les étages. Pour les dirigeants, c’était en revanche un peu plus stressant. C’est pourquoi il faut trouver le bon équilibre entre les deux.»
À l’avenir, une série au meilleur des cinq matches pourrait être une solution plus équitable pour les formations classées aux 7e et 8e places. «Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra trouver un meilleur équilibre afin de rendre les choses un peu plus correctes, poursuit Marc Gautschi. Le modus actuel est une loterie. Pour y remédier, on pourrait imaginer jouer des matches en aller et retour entre les équipes classées entre la 7e et la 10e place, en conservant les points acquis en saison régulière. Ça valoriserait davantage cette dernière.»
Car avec le format actuel, aucun club n’est à l’abri. Chris McSorley le reconnaît d’ailleurs à moitié. «J’adore les préplay-off… tant que je gagne, se marre-t-il. Cette année, j’en suis un grand défenseur. Mais mon opinion pourrait évoluer l’année prochaine. Je me réserve le droit de changer d’avis.»
Gageons que l’ancien homme fort des Vernets, qui fête ses 60 ans ce mardi, souhaiterait surtout éviter cette case périlleuse la saison prochaine.