Formule 1: Pagaille à Melbourne et colères multiples

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Formule 1Pagaille à Melbourne et colères multiples

Pour la première fois dans l’histoire de la Formule 1, un Grand Prix a été interrompu trois fois par un drapeau rouge. Dont deux à un tour d’intervalle. Ce qui a conduit à des gagnants… et autant de perdants.

Luc Domenjoz
par
Luc Domenjoz

Russell voit rouge

Le règlement sportif de Formule 1 précise qu’en cas d’interruption de course nécessitée par l’état de la piste (trop forte pluie ou débris empêchant les monoplaces de passer), le classement retenu est celui du tour qui précède le drapeau rouge signifiant cette interruption (pour être précis, l’article 57.3 indique que le classement est celui du «dernier pointage de chronométrage», ce qui revient presque au même).

Cette règle n’a jamais été contestée, parce qu’on ne voit pas très bien comment faire autrement. Mais dans le cas du Grand Prix d’Australie les drapeaux rouges ont modifié la physionomie du classement. La première interruption a été causée par la sortie de route de la Williams d’Alex Albon. Dans un premier temps, la course a été neutralisée derrière la voiture de sécurité. Mercedes et Ferrari en ont profité pour changer les pneus de George Russell et Carlos Sainz, respectivement. Un pari qui aurait pu être payant si la course n’avait pas été stoppée au drapeau rouge aussitôt après. Pour ceux qui avaient changé leurs pneus, c’était la catastrophe, puisque tous leurs adversaires allaient pouvoir le faire sans perdre de temps.

George Russell avait ainsi perdu la tête de la course qu’il occupait jusque-là, et il en était très fâché: «Ce drapeau rouge était totalement inutile. Bien sûr, il y avait beaucoup de gravier sur la piste, mais il restait une trajectoire dégagée, et on pouvait passer sans risque. Ça me rappelle un peu l’intervention de la voiture de sécurité à Djeddah, il y a deux semaines, quand la voiture en panne était parquée loin de tout danger. Je ne sais pas ce qu’ils fabriquent à la direction de course.» Cette décision n’eut finalement aucun effet sur la course de George Russell, puisque le Britannique a de toute façon abandonné plus tard sur casse de son moteur.

Double accident

En fin de course, deux drapeaux rouges se sont suivis à moins d’un tour d’intervalle. La première fois après un accident de Kevin Magnussen, qui a tapé le mur et perdu sa roue arrière gauche en répandant beaucoup de
débris. Les monoplaces se sont donc regroupées dans les stands pour un troisième départ et deux derniers tours de course. Mais au premier virage plusieurs accrochages ont poussé Fernando Alonso en travers, Sergio Pérez dans le gazon, Nick de Vries et Logan Sargeant dans l’échappatoire et les deux Alpine dans le mur! La course fut aussitôt arrêtée, avec un seul tour restant, tour qui fut «couru» au ralenti derrière la voiture de sécurité, tout dépassement interdit.

La question était de savoir quel classement serait utilisé pour ce dernier tour, car plusieurs pilotes avaient profité de ces multiples accidents pour gagner des places. Finalement, comme le prévoit le règlement, c’est le classement du tour qui précédait le premier drapeau rouge qui fut appliqué. Fernando Alonso, poussé dehors par Carlos Sainz, retrouvait sa 3e place, et le pilote Ferrari était placé 4e. Sauf qu’il fut condamné à cinq secondes de pénalité qui le firent rétrograder après la course à la dernière place, puisque tous les pilotes étaient regroupés derrière lui.

Le règlement prévoyant d’utiliser le classement du tour précédant a semblé injuste à plusieurs (Nico Hülkenberg a aussi perdu sa 4e place), mais en a favorisé d’autres, puisque Fernando Alonso a retrouvé sa 3e place, tout comme Lance Stroll, qui était sorti au troisième virage, et Sergio Pérez, passé dans le gazon et virtuellement dernier. Il était impossible d’être juste avec tous!

Autogoal chez Alpine

Au départ du 56e tour, après le deuxième drapeau rouge, Pierre Gasly, 5e, est sorti trop large dans le gazon du premier virage. En revenant sur la piste, il a gêné Esteban Ocon, et tous deux se sont accrochés pour
terminer leur course dans le mur. Les deux Alpine étaient parties pour marquer des points, mais rentrent donc d’Australie avec un score vierge. «C’est la vie», regrette Esteban Ocon, qui n’y pouvait rien. «Dans un premier temps, j’ai été fâché contre Pierre, mais c’était une telle confusion au premier virage qu’il n’y peut rien, ça aurait pu être n’importe qui d’autre… D’ailleurs il y avait quelques pilotes complètement cinglés à ce départ-là. J’ai vu Nick de Vries plonger à l’intérieur pour essayer de gagner un maximum de places, c’était totalement absurde.»

En réalité, Nick de Vries partait loin derrière Esteban Ocon. C’était de Yuki Tsunoda, l’autre pilote Alpha Tauri, dont il parlait! De retour aux stands, Pierre Gasly est allé s’excuser auprès d’Esteban Ocon. Il regrettait surtout de ne marquer aucun point alors que l’Alpine était particulièrement compétitive sur le circuit de l’Albert Park. «C’était incroyable, je pouvais suivre le rythme des meilleurs, je roulais 5e et je remontais sur Carlos (Sainz)», lâchait Pierre Gasly, trop ému pour en dire davantage.

Sainz: la pénalité la plus injuste de l’histoire

Au moment du départ chaotique du 56e tour, Carlos Sainz a poussé l’Aston Martin de Fernando Alonso, qui a perdu sa 3e place. Le pilote Ferrari a été condamné sans attendre à cinq secondes de pénalité qui le sortaient des points. Il était furieux: «C’est injuste, les commissaires doivent d’abord entendre ma version. Me sortir des points pour ce que j’ai fait, c’est une punition beaucoup trop disproportionnée.» Parfois, cinq secondes de pénalité ne font même pas perdre de place, mais dans ce cas précis, tout le peloton étant resserré derrière lui, Carlos Sainz s’est retrouvé dernier. Après la course, l’Espagnol s’est précipité chez les commissaires pour défendre son cas. Mais la décision était tombée, et les commissaires ont souligné que le pilote Ferrari avait suffisamment de place à sa droite pour éviter un accident inutile, même s’ils expliquent être plus conciliants pour des accidents au premier virage.

Haas proteste contre le drapeau rouge

Après la course, l’écurie Haas a décidé de faire appel du résultat de la course, argumentant que le drapeau rouge a fait perdre trois places à son pilote, Nico Hülkenberg. L’Allemand pointait à la 4e place après le carambolage du deuxième départ, avant que la course ne soit arrêtée et que le classement soit retenu au tour précédant. C’était un des grands gagnants de ce deuxième départ, et il a tout perdu lorsque le classement fut repris d’un tour puisqu’il est finalement classé 7e, ce qui reste un excellent résultat pour l’équipe Haas.

Tard dimanche soir (à 22 h 50, heure de Melbourne), cet appel a été rejeté, les commissaires considérant que la direction de course, en reprenant le classement du tour précédant, a fait de son mieux vu les circonstances. L’écurie Haas avait peu de chances de voir son appel accepté. L’an dernier, au Grand Prix d’Angleterre, le classement a lui aussi été repris depuis la grille de départ après l’accident de la Sauber de Guanyu Zhou, qui avait terminé derrière le mur de pneus et qui avait nécessité l’interruption de la course au drapeau rouge.

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