ÉgypteGrâce présidentielle accordée à une figure de l’opposition
Le président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi a accordé samedi une grâce à Ahmed Douma qui avait joué un rôle clé lors de la «révolution» de 2011.
Le président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi a accordé samedi une grâce à Ahmed Douma, figure de la «révolution» de 2011, un nouveau signe envoyé à moins d’un an de la présidentielle. M. Douma, un des fondateurs du mouvement du 6-Avril qui a joué un rôle clé dans la «révolution» ayant renversé l’autocrate Hosni Moubarak, purgeait depuis 2013 une peine de 15 ans pour violences lors de manifestations. Khaled Ali, avocat des droits humains et figure de la gauche comme M. Douma, a annoncé «attendre (sa) sortie» en se filmant devant sa prison de Badr, à l’est du Caire.
Ahmed Douma, 37 ans, a publié un recueil de poèmes, «Curly» («Frisé» en anglais), à partir de morceaux de papier transmis discrètement à des avocats depuis son mitard. Son livre a été exposé à la Foire du livre du Caire en 2021, puis rapidement retiré pour «raison de sécurité».
Cette nouvelle grâce intervient alors que Le Caire mène activement un «dialogue national» censé discuter des sujets qui fâchent dans le pays de 105 millions d’habitants, en pleine crise économique et où l’opposition est muselée depuis une décennie. M. Sissi a annoncé mercredi avoir reçu les premières recommandations de ce «dialogue», et les avoir «transmises (…) pour qu’elles soient appliquées».
Dialogue et élections
S’il ne l’a pas annoncée, le chef de l’État envisage sa candidature au scrutin présidentiel prévu au printemps 2024, estiment unanimement les observateurs. Dans ce contexte, les grâces présidentielles - en sommeil depuis des années mais relancées en 2022- se sont multipliées. En juillet, le chercheur Patrick Zaki - condamné à trois ans ferme pour «fausses informations» - et l’avocat Mohamed al-Baqer – arrêté en plein tribunal alors qu’il assistait son client Alaa Abdel Fattah, le détenu politique le plus célèbre d’Égypte - en avaient bénéficié. Plusieurs autres opposants ont également été relâchés ces derniers mois.
Une fois M. Douma libéré, ce qui intervient généralement le lendemain de l’annonce de la grâce, M. Abdel Fattah sera la dernière figure emblématique encore détenue. Hossam Bahgat, fondateur de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), dénonce un fait du prince dicté par les pressions venues d’Égypte comme d’ailleurs. «Le régime est conscient des frustrations grandissantes» nées des «promesses non tenues et du fait que rien ne change sur le terrain», assure-t-il à l’AFP.
À Washington, certaines voix réclament régulièrement la coupure de l’aide militaire au Caire en rétorsion aux violations des droits humains. En Égypte même, où dévaluation et inflation étouffent les foyers, la colère sociale couve, gagnant jusqu’aux institutions. «Certains grands partis d’opposition menacent désormais publiquement de quitter le dialogue national parce qu’il n’a eu aucun impact sur la scène politique», explique M. Bahgat.
Le comité des grâces présidentielles a depuis un an fait libérer près d’un millier de prisonniers, insistent les autorités. Mais depuis janvier, des militants ont recensé 24 morts en détention, dont six dans ces nouveaux «centres de réhabilitation» censés remplacer les dizaines de prisons vétustes du pays, dotés de bibliothèques ou d’ateliers.