Fin de vie au Québec«Prolonger de quelques mois, ça ne me tentait pas du tout»
Soutenu par l’opinion, le Québec élargit le recours à l’aide médicale à mourir. Ils sont plus nombreux à y avoir recours, comme une ancienne infirmière, atteinte d’un cancer sans espoir de rémission.
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Colette Julien a demandé l’aide médicale à mourir. Une décision mûrement réfléchie et qu’elle a prise, terrifiée de «perdre son autonomie, sa liberté».
AFP«Mon bout de chemin est fait»: chaque année, des milliers de Québécois malades, comme Colette Julien, demandent l’aide médicale à mourir pour partir «dignement». Dans la province francophone du Canada, qui vient d’élargir ce droit début juin, ils sont même de plus en plus nombreux à y avoir recours.
À la fin de l’année, environ 8% de la population québécoise décédée devrait avoir eu recours à l’aide médicale à mourir (AMM), selon les projections du gouvernement. Ces statistiques placent le Québec, où cela est possible depuis 2015, loin devant les Pays-Bas (4,8%) ou la Belgique (2,3%), qui ont pourtant dépénalisé l’euthanasie il y a bien plus longtemps.
«Prolonger de quelques mois, ça ne me tentait pas du tout. Mon bout de chemin est fait», raconte dans un souffle Colette Julien, que l’AFP a rencontrée quelques jours avant de recevoir l’injection létale. «Ressentir une paix, une unité, voilà ce à quoi j’aspire», ajoute cette femme menue de 77 ans aux courts cheveux gris. Une décision mûrement réfléchie et qu’elle a prise, terrifiée de «perdre son autonomie, sa liberté».
«Quand tu es malade, il faut que tu dépendes des autres. Moi, dépendre des autres, à outrance? Non, non, non, non», martèle cette infirmière à la retraite, atteinte d’un cancer du poumon sans espoir de rémission, avec des métastases au cerveau.
«Un temps de qualité» avec sa tante
Nancy Carpentier, sa nièce qui l’a accompagnée ces derniers mois, a toujours soutenu Colette dans sa démarche, notamment après avoir été témoin de la souffrance de son père pendant ses derniers mois de vie. L’aide à mourir est «un beau processus», car il lui a permis d’avoir «un temps de qualité» avec sa tante, «un moment de réflexion» mais aussi d’échanges, raconte cette Québécoise de 52 ans qui espère «avoir le même courage» si elle tombe malade un jour.
En 2022, 4810 personnes ont reçu l’aide médicale à mourir au Québec, où elle fait l’objet d’un large consensus social. Et le 7 juin, le dispositif a été élargi et notamment ouvert aux personnes handicapées. Par ailleurs, les personnes souffrant de maladies neurodégénératives, comme Alzheimer, pourront désormais faire une «demande anticipée».
Répondre à «un besoin»
Le texte prévoit également que les maisons de soins palliatifs et les hôpitaux privés doivent proposer un accès à l’AMM. Et les infirmiers seront désormais autorisés à effectuer la procédure, au même titre que les médecins. «L’aide médicale à mourir est considérée comme un soin de dernier recours», rappelle Sonia Bélanger, ministre québécoise déléguée à la Santé et aux Aînés.
Près de 90% des personnes qui ont reçu l’aide à mourir étaient atteintes de cancer, de maladies neurodégénératives ou neurologiques, de maladies respiratoires ou cardiaques, et la grande majorité étaient en phase avancée ou terminale de leur maladie.
«Il faut être prudent. L’objectif, avec l’élargissement de la loi, n’est pas d’augmenter le nombre, pas du tout. Il s’agit vraiment de répondre aux besoins des personnes qui en font la demande», ajoute Sonia Bélanger.
«Permissif et dangereux»
Malgré le large consensus autour du texte, son élargissement inquiète certains. C’est une «déception» pour le Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), organisme qui défend les personnes en situation de handicap. «Non seulement c’est permissif, c’est dangereux, mais c’est presque encourager les gens qui sont à bout à mourir», déplore son directeur général, Steven Laperrière.
Mais «on ne se lève pas un matin en disant «Tiens, je vais demander l’aide médicale à mourir aujourd’hui»», souligne Georges L’Espérance, neurochirurgien à la retraite qui a accompagné de nombreux malades. «C’est un long processus» de réflexion.