FootballAnalyse: mais qu’est-ce qui cloche à YB?
4es de Super League avant de recevoir Bâle mercredi, les quadruples champions de Suisse manquent de régularité. Les problèmes défensifs permettent de l’expliquer.
- par
- Valentin Schnorhk
Et si Young Boys en venait à perdre son titre de champion de Suisse? Les Bernois reçoivent Bâle mercredi, et il y a déjà comme un air de match décisif. En cas de défaite, YB accuserait 6 points de retard sur les Rhénans, mais surtout 9 sur Zurich, qui a dominé cette première partie de saison. La Super League n’était plus habituée à une telle concurrence. L’équipe de David Wagner, actuellement 4e du classement (avec un match en moins que le 3e Lugano), ne parvient pas à maîtriser ses matches comme lors des saisons précédentes, sous les ordres de Gerardo Seoane. Sur ses sept dernières rencontres de championnat, elle n’en a gagné que trois, dont celle contre Sion (4-3) dimanche. Où est donc le problème?
Les statistiques racontent surtout des failles défensives. Parce qu’YB produit toujours autant d’occasions dangereuses et marque beaucoup de buts. En revanche, il encaisse aussi plus: déjà 21 depuis le début de saison, là où il n’en avait encaissé que 29 sur l’ensemble de l’exercice précédent. Mais avec toujours autant de tirs (8.91 par match en moyenne, comme en 2020-21), et avec une menace équivalente (0,122 Expected Goal par tir accordé, contre 0,119 l’an passé). En fait, ce que révèlent ces données, c’est que Young Boys défend globalement de la même manière, mais avec moins d’efficacité. Et notamment à la perte de balle. Analyse.
Pertes de balle fatales
Lors de ses quatre titres, tant avec Adi Hütter qu’avec Seoane, YB a eu une identité générale qui n’a guère évolué: elle passait par l’intensité. Le football bernois était un football où la dimension athlétique jouait un rôle capital. Pour s’installer dans le camp adverse et étouffer les défenses, notamment. David Wagner n’a pas profondément changé les codes: le 4-4-2 reste généralement la norme (exceptés quelques matches en 4-3-3), même s’il développe d’autres idées avec ballon. Les indicateurs statistiques confirment cette idée, YB étant l’équipe de Super League qui déploie le plus d’intensité et de pressing (et ce malgré l’enchaînement des matches entre Ligue des champions et championnat).
Reste que cela suppose une systématique: lorsque la balle est perdue, seule une récupération rapide permet de perpétuer le projet. Le pressing à la perte se veut capital. Notamment parce qu’YB joue haut, avec beaucoup de joueurs en zone 3. Or, force est de constater que les Bernois ont perdu en efficacité dans cette phase de jeu: les transitions défensives sont moins bien gérées. Le «premier cercle», celui qui consiste à avoir une réaction immédiate pour agresser le porteur, n’est plus aussi infaillible. En résultent donc des contre-attaques verticales plus faciles à mener pour les adversaires. Dimanche, Sion en a notamment profité, comme Servette ou Zurich avant lui.
Éloge de la déstructure
D’où vient ce manque? Puisque le problème n’est pas dans l’activité (les courses sont généralement effectuées), il est dans le placement de base. Autrement dit, pour garantir une récupération rapide à la perte de balle, la structure avec ballon doit le permettre. Si les partenaires sont éloignés les uns des autres, cela devient compromis. Ou, si le porteur de balle s’engouffre plein axe sans être couvert, être dépossédé promet d’être exposé dès la perte. En insistant sur un style de jeu offensif qui passe plus vers l’intérieur, Wagner prend ce risque. Et il le paye cher ces dernières semaines.
Le Young Boys de la saison passée s’était ainsi distingué par des bases claires: à la construction, les deux défenseurs centraux étaient constamment accompagnés d’un milieu (3+1), lesquels restaient en poste pour couvrir d’éventuelles transitions adverses. Cette saison, ce triangle se délite. Les milieux prennent ainsi plus de liberté dans l’animation, laissant la paire de défenseurs centraux (qui a beaucoup changé cette saison) devoir couvrir toute la profondeur. Au lieu de défendre vers l’avant, ils doivent défendre vers l’arrière. Dit autrement, la défense préventive bernoise manque de rigueur: la réaction plutôt que l’action.
Et puis, il y a aussi la précipitation. En Super League, YB se veut une formation offensive, portée vers l’avant et pressante pour l’adversaire. Le champion de Suisse surcharge donc intentionnellement le dernier tiers du terrain. Mais si cela peut porter ses fruits lorsqu’il s’agit de marquer, il existe aussi le risque de manquer d’éléments en couverture. En zone 3, YB affiche une certaine tendance à accumuler les joueurs devant la ligne du ballon, oubliant de contrôler les espaces dans lesquels peuvent être renvoyés les deuxièmes ballons. Une aubaine pour les adversaires.
Et dans la surface?
Les concurrents d’YB profitent aussi des nombreuses blessures au sein de l’effectif bernois: de Von Ballmoos à Fassnacht, en passant par Zesiger, Camara, Lustenberger ou Garcia. Tous à des moments distincts, ou presque. La défense centrale est donc un chantier permanent. Et si YB avait tendance à surperformer défensivement la saison dernière (moins de buts encaissés que ce que prédisait le modèle des Expected Goals), c’est l’inverse qu’il vit cette saison. Façon de signaler que l’équipe de la capitale encaisse des buts sur des occasions qui n’en appellent pas forcément.
L’instabilité de la défense centrale peut aussi l’expliquer. Et notamment dans les airs, YB ayant encaissé un certain nombre de buts sur corners ou centres ces dernières semaines. En ce sens, la blessure de Cedric Zesiger (qui revient à la compétition) et ses 194 centimètres a pu compter. Le néointernational suisse «ratisse» dans les airs (près de 6 duels aériens par match en moyenne l’an dernier, la plupart remportés), lorsqu’un Sandro Lauper ne s’exprime pas parfaitement dans ce registre (2,37 par match cette saison). Bref, en accordant des centres, YB s’expose.
Il expose aussi son gardien. Depuis la blessure de David von Ballmoos, Guillaume Faivre occupe le poste. Mais les statistiques avancées ne le mettent pas en valeur. Cette saison, le Neuchâtelois «n’évite» pas les buts, en plus de certaines carences tactiques illustrées et expliquées notamment par le spécialiste Thierry Barnerat. En clair, la meilleure équipe de Suisse a actuellement un gardien aux performances moyennes dans ses cages. Et puisque tout n’est pas calibré défensivement, cela se voit.
Quelle issue pour Young Boys, sachant que Von Ballmoos devrait être encore absent plusieurs mois? Christoph Spycher cherchera-t-il un nouvel intérimaire en attendant le retour de l’habituel numéro un? À moins que la perspective de n’avoir plus qu’un match par semaine au printemps, avec moins de blessures simultanées, ne vienne le conforter dans l’idée de ne pas tout bousculer. En attendant, YB ne doit pas se rater contre Bâle mercredi.