ÉconomieLe gouvernement portugais dans une impasse budgétaire
Le parti communiste portugais refuse le projet de budget de l’État pour 2022. Sans compromis, le pays risque de devoir organiser des élections anticipées.

Jeronimo de Sousa, secrétaire général du Parti communiste portugais.
AFPAprès six années de gouvernement socialiste suspendu au soutien de la gauche radicale, qui maintenant s’apprête à rejeter son budget de l’État pour 2022, le Portugal s’est retrouvé lundi dans une impasse politique que le président conservateur promet de surmonter en convoquant des élections anticipées.
Après le Bloc de gauche dimanche, le Parti communiste a annoncé à son tour lundi son intention de voter aux côtés de l’ensemble de l’opposition de droite contre le projet de loi de finances, qui semble désormais voué à l’échec lors de l’examen en première lecture prévu mercredi.
«Ma position est très simple: soit il y a un budget, soit c’est la dissolution» du Parlement, a réagi le chef de l’État, Marcelo Rebelo de Sousa, après avoir répété à l’envie que si un compromis n’était pas trouvé, comme il le souhaitait, il n’hésiterait pas à accélérer un calendrier électoral prévoyant des législatives seulement à l’automne 2023.
«Tourner la page»
En cas de rejet du projet de budget, la chute du gouvernement et la tenue d’élections anticipées ne sont pas automatiques mais le président, dont les fonctions sont par ailleurs largement symboliques, dispose du pouvoir de dissolution afin de jouer un rôle d’arbitre en situation de crise. «Nous ne voulons pas d’élections mais nous ne les craignons pas», a pour sa part déclaré ce week-end le Premier ministre Antonio Costa, cité par les médias à l’issue d’une réunion avec son état-major.
Malgré les concessions que le gouvernement s’est dit prêt à faire dans la version finale de la loi de finances, le Parti communiste et le Bloc de gauche lui reprochent de ne pas en faire assez pour augmenter le pouvoir d’achat des Portugais et améliorer les services publics.
M. Costa est arrivé au pouvoir en 2015 grâce à une alliance avec ces deux formations, inédite en quarante ans de régime démocratique et fondée sur leur volonté commune de «tourner la page» de la politique de rigueur budgétaire menée par la droite entre 2011 et 2014, quand le Portugal était sous la tutelle de ses créanciers internationaux.
«Incapacité à négocier»
Mais, après leur victoire aux législatives de 2019, les socialistes n’ont pas renouvelé les accords qui garantissaient l’adoption du budget de l’État, préférant les négocier au cas par cas. La première grande fissure au sein de cette union de la gauche a été actée lors du précédent budget, adopté de justesse grâce à l’abstention de la coalition communistes-verts et des élus d’un petit parti animalier.
La décision du Parti communiste de lâcher le gouvernement, comme l’avait déjà fait le Bloc de gauche un an auparavant, démontre que ces deux formations «conservent une composante de parti de protestation qui ne s’est pas dissous» malgré ces six années de coopération avec les socialistes, commente auprès de l’AFP le politologue Antonio Costa Pinto.
L’électorat de gauche n’apprécie pas cette incapacité à négocier.
Selon cet analyste de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne, qui s’avoue «un peu surpris» par la position du Parti communiste, le scénario d’élections anticipées ne sert aucune des trois formations car «l’électorat de gauche n’apprécie pas cette incapacité à négocier».
«Contexte pas favorable au gouvernement»
Le Parti socialiste a battu la droite aux élections municipales du mois dernier mais son score a été inférieur à celui de 2017 et, surtout, il a subi une défaite surprise dans son fief de Lisbonne.
Et, en dépit d’une situation sanitaire largement maîtrisée grâce à un taux de vaccination parmi les plus élevés au monde, «le contexte n’est pas favorable au gouvernement», estime M. Costa Pinto en citant notamment les inquiétudes concernant les prix de l’énergie.
À droite, le paysage est marqué par les divisions au sein du principal parti d’opposition, le Parti social-démocrate (PSD, centre droit), qui tiendra des élections internes le 4 décembre pour départager son président sortant, l’ancien maire de Porto Rui Rio, de son rival, l’eurodéputé Paulo Rangel. Cette droite traditionnelle risque par ailleurs de se retrouver sous la menace de l’extrême droite, qui a percé lors de l’élection présidentielle de janvier dernier.