William et KateDerrière les sourires, une tournée tendue aux Caraïbes
La visite du duc et de la duchesse de Cambridge au Belize, en Jamaïque et aux Bahamas a donné lieu à une confrontation difficile, signe des difficultés attendant la royauté.
L’événement devait célébrer l’attachement de la monarchie britannique aux anciennes colonies, à l’occasion des 70 ans de règne d’Elizabeth II. Mais la tournée du prince William dans les Caraïbes s’est avérée tendue. Au Belize, en Jamaïque et aux Bahamas, le prince et son épouse Kate ont été appelés à s’excuser pour le passé esclavagiste du Royaume-Uni. Manifestations et velléités de couper le cordon ont souvent éclipsé les belles images et articles élogieux marquant généralement les déplacements du couple adoré des Britanniques et de leurs redoutables tabloïds.
La famille royale britannique a bénéficié «du sang, de la sueur et des larmes» des esclaves, a ainsi affirmé le Comité national de réparations des Bahamas, appelant à des dédommagements après que les territoires et peuples colonisés ont été «pillés» pendant des siècles. De son côté, le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness a estimé «inévitable» la transition de son pays vers un régime républicain, comme l’a fait la Barbade en novembre dernier.
«La reine Elizabeth est la reine d’Angleterre, pas de la Jamaïque. Elle devrait rester en Angleterre», estime Tameka Thomas, une vendeuse rencontrée en marge de la visite princière.
Pas d’excuses
Ces revendications semblent annoncer des temps difficiles pour la monarchie, surtout quand Charles deviendra roi à la mort d’Elizabeth II, bientôt 96 ans, très populaire et très attachée au Commonwealth.
Le rôle joué par la monarchie britannique dans le commerce d’esclaves remonte au XVIe siècle, quand la reine Elizabeth I avait financé un des grands esclavagistes de l’époque, John Hawkins. Si elle est revenue ces dernières années sur son passé esclavagiste, la famille royale n’a formellement prononcé aucune excuse.
Les critiques qui entourent la visite princière aux Caraïbes illustrent le récent travail d’introspection du Royaume-Uni sur son passé colonial, dans la foulée du mouvement Black Lives Matter. Les appels à retirer les statues et les monuments de personnages historiques liés à l’esclavage et au racisme s’y sont multipliés, donnant lieu à des débats parfois difficiles.
«Inégalité, pauvreté, héritage»
Pour Olivette Otele, professeure d’histoire et de mémoire de l’esclavage à l’Université de Bristol, les manifestations aux Caraïbes étaient prévisibles. «Les excuses n’ont jamais été suffisantes», affirme-t-elle. «Elles sont une étape importante (…) mais de nos jours, les gens veulent plus. Ils veulent du changement».
«Si le but de la visite est de garder ces pays (sous la couronne britannique) et de garder la reine à la tête de ces États, (la famille royale) n’a peut-être pas compris que le débat est plus large ici», affirme-t-elle. «Il s’agit d’inégalité, de pauvreté et d’héritage du passé».
Le prince William n’est en tout cas pas resté à l’écart du débat, vendredi, lors d’une réception à Nassau. «L’an prochain, je sais que vous êtes tous impatients de célébrer les 50 ans de votre indépendance – vos noces d’or. Et avec la Jamaïque qui célèbre cette année ses 60 ans d’indépendance et le Belize qui a fêté l’an dernier ses 40 ans d’indépendance, je veux vous dire ceci: nous soutenons avec fierté et respect vos décisions concernant votre avenir. Les relations évoluent. L’amitié demeure», a-t-il déclaré.