ImpostureFranco-italien, un avocat ripoux occupe la justice vaudoise
L’escroc présumé a fait croire qu’il pouvait exercer en Suisse. Le même homme avait déclenché la mise en examen de la Banque nationale de Paris (BNP) en 2000.
- par
- Evelyne Emeri
Le prévenu de 67 ans - qui sera jugé à Nyon ce mardi 25 janvier - n’en est pas à son coup d’essai. L’homme cumule un passif impressionnant chez nos voisins français. Au top de son palmarès, la mise en examen de la Banque nationale de Paris (BNP) pour usage de faux en 2000. Cinq ans plus tôt, Paolo* avait fourni à la BNP des engagements de caution d’une valeur de 3,2 millions en falsifiant la signature de l’une de ses clientes pour obtenir un prêt. Il sera condamné pour ces faits mais également pour avoir escroqué une dizaine d’autres mandants.
Excusé au premier procès
Le faussaire avait écopé de quatre ans ferme et de 20 millions de dommages et intérêts pour escroquerie, usage de faux et abus de confiance. Aucun de nos contacts, ni aucune autorité française n’a pu nous confirmer s'il avait purgé cette peine complètement ou partiellement, l’accusé souffrant d’importants troubles psychologiques. C’est du reste la raison pour laquelle il ne s’était pas présenté à son premier procès à Nyon en juin 2021 et que celui-ci avait été renvoyé.
Sa compagne prévenue
Ce mardi 25 janvier, c’est bien sûr uniquement le volet suisse et plus précisément romand qui sera jugé par la Cour correctionnelle de Nyon si le prévenu se présente. Il n’empêche que ses antécédents pèseront inéluctablement dans la balance. Paolo n’est pas le seul à être renvoyé aux assises. Sa compagne et assistante Marianne* est également poursuivie. Cette Parisienne de 60 ans n’avait pas non plus répondu à la convocation du tribunal en juin 2021, mais n’avait soumis aucune excuse motivée et avait ainsi fait défaut au premier procès.
Radié du barreau
Plus de 20 ans après l’onde de choc qui avait secoué la BNP, la justice suisse a rattrapé cet avocat aux pratiques particulièrement douteuses. La procureure vaudoise Valérie de Watteville Subilia qui soutiendra l’accusation retient trois cas. Le premier cas concerne une grosse entreprise de fenêtre-porte-véranda basée dans le district de Morges. Durant le premier semestre 2019, le couple aurait abusé de la confiance de ses dirigeants, le Franco-Italien prétendant être inscrit au barreau de Turin (I) alors qu’il n’en était rien et qu’il était radié du barreau français, affirmant de surcroît être autorisé à les représenter en Suisse.
Procédures fantôme
Toujours selon l’acte d’accusation du Ministère public, Paolo aurait conseillé cette entreprise dans le cadre de conflits du travail (ndlr. tribunal des prud’hommes), mais aussi dans un vaste projet de construction (ndlr. demande d’hypothèques légales). Et aurait fait croire à ses mandataires qu’il avait déposé diverses écritures auprès des autorités valaisannes et même été au tribunal. Il aurait ainsi facturé des honoraires fallacieux pour près de 40 000 francs avec la coprévenue, exigeant vouloir être payé rapidement. Sans doute afin d’éviter une quelconque vérification des opérations inexistantes.
Piégé à Yverdon
Entre novembre 2018 et juillet 2019, il aurait également grugé une société de consulting près d’Yverdon en utilisant le même subterfuge. Et déposé plusieurs documents auprès du Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Qui a découvert le pot aux roses – interdiction de pratique – au détour de la dénonciation d’un bureau d’architectes fribourgeois en litige avec la Sàrl que Paolo représentait illicitement. Le prétendu avocat «suisse» a été condamné à payer quelque 5000 francs aux deux entreprises précitées.
26 faux documents
Enfin, dernière affaire retenue par le Parquet, c’est celle qui a contraint l’Ordre des avocats vaudois à intervenir et à porter plainte à l’encontre de l’accusé. D’avril 2017 au mois d’août 2019, auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud ainsi que dans les cantons de Fribourg, de Genève et du Valais, Paolo aurait produit à plus de 26 reprises de faux document attestant de son autorisation de pratique en Italie et en Suisse en application de la loi sur la libre circulation des avocats, précise encore la procureure. Il aurait ainsi violé gravement la loi sur la profession d’avocat en se prévalant d’un titre usurpé.
Libéré sous conditions
Les deux coprévenus sont renvoyés pour les infractions suivantes. Paolo pour escroquerie (5 ans ferme max. ou peine pécuniaire), pour faux dans les titres (5 ans ferme max. ou peine pécuniaire) et pour contravention à la loi sur la profession d’avocat LPAv (amende). Marianne est, quant à elle, renvoyée pour escroquerie. Le sexagénaire a été détenu du 11 septembre 2019 au 6 avril 2020. Il a obtenu sa libération à la faveur du paiement d’une caution de 10 000 francs et d’une obligation d’un suivi psychothérapeutique à Paris. Il a été soumis à une expertise psychiatrique durant sa détention provisoire en Suisse.
*Prénoms d’emprunt