LondresLe squelette du «géant irlandais» ne sera plus exposé au musée
Charles Byrne, qui mesurait 2,30 m et qui est mort en 1783, ne voulait pas finir dans une vitrine. Son souhait va être en partie exaucé, plus de deux siècles plus tard.
Près de deux siècles et demi après sa mort, c’est un petit pas dans le respect des dernières volontés du «géant irlandais»: le squelette de Charles Byrne, 2,30 m, ne sera plus exposé au musée.
Né en 1761 dans le nord de l’Irlande, Charles Byrne était atteint de gigantisme, en raison d’une tumeur bénigne de la glande pituitaire non diagnostiquée. Sa particularité est devenue une attraction et son gagne-pain: les gens payaient deux shillings pour voir celui qui était réputé être l’homme le plus grand de l’Angleterre géorgienne.
Il voulait être immergé en mer
Sa notoriété lui attire l’intérêt et la convoitise de John Hunter, éminent chirurgien de l’hôpital Saint-George de Londres, qui, rappelle l’établissement sur son site, ne fait aucun mystère de ses intentions de mettre la main sur le corps de Charles Byrne pour sa collection. Horrifié par cette idée, le «géant irlandais» demande qu’à sa mort, son corps soit immergé en mer.
Charles Byrne se fait voler ses économies, sombre dans l’alcool et est retrouvé mort dans son appartement londonien en 1783 à l’âge de 22 ans, sans descendance. Un journal de l’époque a décrit une «tribu de chirurgiens» entourant son domicile comme des «harponneurs» autour d’une «énorme baleine».
Volé dans son cercueil
Trois ans plus tard, le squelette de Charles Byrne apparaît, exposé dans le musée de John Hunter à Londres. Son corps a été subtilisé et remplacé par des poids dans le cercueil alors qu’il rejoignait la ville côtière de Margate pour son dernier voyage vers la mer. Selon certaines sources, Hunter aurait pour cela versé 500 livres sterling à des amis du «géant».
Reconnaissant les «sensibilités» et «différents points de vue» autour de l’exposition du squelette et sa conservation, le Hunterian museum de Londres a annoncé récemment qu’il ne serait plus exposé au public à la réouverture de l’établissement, prévue en mars après cinq ans de travaux.
«John Hunter (1728-1793), d’autres anatomistes et chirurgiens des XVIIIe et XIXe siècles ont acquis de nombreux spécimens par des moyens que l’on ne considérerait pas comme éthiques aujourd’hui», ont souligné les administrateurs de la Hunterian Collection.
Ils ont par ailleurs annoncé le lancement d’un programme consacré aux problématiques «entourant l’exposition de restes humains et l’acquisition de spécimens pendant l’expansion coloniale britannique» à l’automne.
Le retrait du squelette du musée est une «merveilleuse nouvelle», a salué Thomas Muinzer, maître de conférences à l’université d’Aberdeen, qui milite depuis des années pour que les volontés de Charles Byrne soient respectées. Mais il ne s’agit là que d’un «succès partiel», déplore-t-il auprès de l’AFP.
Conservé pour des recherches
Car le squelette restera conservé pour permettre des recherches et pour maintenir l’intégrité de la collection. Des arguments qui ne convainquent guère Thomas Muinzer, car le squelette a été largement étudié, son ADN complet en a été extrait, et il existe aujourd’hui encore des patients atteints de la même pathologie.
Le juriste avait découvert l’histoire de Charles Byrne dans un moment d’ennui, quand il était étudiant à l’Université de Belfast. Il s’est alors passionné pour ce «personnage célèbre oublié» et s’est aperçu que l’exposition de son squelette persistait: une «injustice» qui doit être corrigée, selon lui.
En 2011, Thomas Muinzer avait plaidé la cause de Charles Byrne en publiant avec Len Doyal, professeur émérite en éthique médicale à l’université Queen Mary de Londres, un article dans le «British Medical Journal», pour qu’il soit «soustrait aux yeux du public» et «immergé en mer conformément à ses dernières volontés».
L’écrivaine britannique Hilary Mantel, décédée en septembre dernier et qui a écrit un portrait fictif du «géant irlandais» avait apporté sa voix à la mobilisation, estimant même qu’il était temps de rapatrier les restes de Charles Byrne sur son île natale. Car ce qui a conduit Charles Byrne à vouloir éviter d’être inhumé à terre n’a plus cours aujourd’hui, souligne Thomas Muinzer. «On n’a plus à se soucier» des «résurrectionnistes» de l’Angleterre des XVIIIe et XIXe siècles et leur trafic de cadavres.