FootballCommentaire: dans la réalité, aucun joueur, personne n’aime son club
Lausanne a perdu ce week-end Cameron Puertas. Son départ symbolise les dérives du football business. De quoi déplorer aussi un certain manque de reconnaissance envers le club qui l’a révélé.
- par
- Nicolas Jacquier
Vous adorez le foot mais vous aimez surtout d’abord, et peut-être même exclusivement, votre club préféré, le seul qui mérite à vos yeux votre soutien indélébile, donc à vie – pas question d’aller papillonner ailleurs. Ainsi en va-t-il des véritables supporters dont la passion ne peut s’exprimer qu’à travers l’objet de leur aveuglante dévotion.
Un attachement feint
Sur la pelouse, il y a les joueurs, ceux-là même qui défendent vos couleurs, lesquelles ne seront jamais tout à fait les leurs. Ne nous trompons pas de cible: les footballeurs sont avant tout des mercenaires de passage, se vendant au plus offrant, n’ayant aucun lien affectif avec le club qui les accueille et souvent même aucune idée de son poids historique.
Un éloignement sentimental qui ne les empêche nullement de proclamer à intervalles réguliers, à grands renforts de mots vides et de propos creux, leur supposé amour pour leur club respectif, de garantir leur attachement sans faille sur paroles. Cela fait peut-être de belles histoires à raconter mais dans la réalité, c’est de la pure foutaise.
Des valeurs d’un temps révolu
Pour autant, faut-il nécessairement faire preuve d'angélisme et de naïveté en s’accrochant aux valeurs que représente le fait de défendre à la vie à la mort un maillot et pas un autre? Dans un monde opposé à celui des bisounours, ce qui a pu compter naguère semble définitivement révolu avec l'avènement du football sans frontières, dans lequel plus aucun joueur, personne n’aime vraiment son club.
Il y a certes ici et là quelques exceptions – on les connaît. Mais elles sont rares sans quoi elles ne constitueraient pas des exceptions.
Dans l’immense majorité des cas, les joueurs n’ont que faire des couleurs qu’ils portent; ils sont juste de passage, allant là où le vent et surtout la promesse d’un meilleur contrat les portent, au gré des opportunités. Il n’y a rien de moins fidèle qu’un joueur qui se dit profondément attaché à son club.
Ainsi en va-t-il de Cameron Puertas, l’homme qui a quitté ce week-end les rangs de ce LS qu’il aimait tant pour rejoindre ceux de l’Union Saint-Gilloise, surprenant leader du championnat de Belgique. Adieu la terrible bataille pour le maintien et les galères en Super League, bonjour la lutte pour le titre en Jupiler Pro League.
Présenté comme une figure identitaire du projet Ineos à Lausanne, Puertas a choisi de privilégier sa carrière et ses intérêts sportifs – voilà qui relève de son choix le plus strict – en abandonnant ses coéquipiers au milieu du gué, ce qui est nettement plus condamnable. On l’a assez répété: l’homme a du talent et le sait; au demeurant, rien ne lui interdisait de différer son départ de quelques mois pour prêter main forte à ce LS dans la gonfle. Il ne s’agit pas ici d’accabler l’ancien No 10 de la Tuilière mais de déplorer les limites de la reconnaissance en pareilles circonstances.
Et pendant ce temps, Saint-Gall…
Dans ce dossier où la fameuse clause libératoire était semble-t-il sujette à interprétations multiples, on peut aussi s’étonner de la passivité des dirigeants vaudois, acceptant de laisser filer leur leader (pour récupérer une somme estimée à 1,6 million de francs), alors même que Saint-Gall, avec Jordi Quintilla, récupérait le sien une semaine avant le rendez-vous déjà décisif de la Tuilière. Une temporalité qui ne peut qu’interpeller, convenons-en.
Après avoir quasi juré fidélité à son club, Cameron Puertas (23 ans) n’est ni le premier ni le dernier «déserteur» à vider son vestiaire durant une pause. D’autres suivront. Ainsi n’est-il toujours pas certain que le fort sollicité Kastriot Imeri termine la saison avec Servette ce printemps…
Quoi qu’il en soit, le départ de Puertas intervient alors même que les responsables marketing de son ancien club avaient axé leur campagne «à jamais lausannois» sur l’identification aux couleurs «bleu et blanche» - un projet qui ne concerne à priori pas ceux qui devaient supposément l’incarner.
Avec des fans certes eux à jamais lausannois. Mais à jamais trompés également.