AfghanistanPremier vol commercial international depuis le retour des talibans
Lundi, l’avion de la compagnie aérienne pakistanaise PIA a atterri à l’aéroport de Kaboul. Il ne transportait que quelques personnes.
Un premier vol commercial en provenance du Pakistan s’est posé lundi à Kaboul, l’un des premiers signes de normalisation du pays près d’un mois après le retour des talibans au pouvoir, et alors que l’ONU s’alarme de la pauvreté galopante qui s’étend dans le pays.
L’appareil de la compagnie aérienne publique pakistanaise PIA en provenance d’Islamabad a atterri dans la matinée à l’aéroport de la capitale afghane, contrôlé depuis deux semaines par les talibans et remis progressivement en état, avec l’aide du Qatar notamment, après le départ précipité et sous haute tension des forces américaines le 30 août.
La capacité des islamistes à relancer le trafic international à Kaboul va être un test pour leur régime, qui après avoir annoncé son gouvernement, consolide son emprise sur le pays sans résistance notable à ce stade, sauf dans la petite province enclavée du Panchir (Nord-Est).
«Un jour d’espoir»
Les Américains et leurs alliés occidentaux avaient quitté l’Afghanistan au terme de 20 ans de guerre infructueuse contre les talibans, organisant dans les ultimes semaines un gigantesque pont aérien qui a permis d’évacuer 123’000 personnes, des étrangers et des Afghans craignant les représailles des talibans ou en quête d’une vie meilleure à l’étranger.
L’appareil de PIA qui a atterri lundi ne transportait que de très rares passagers, moins nombreux que les membres d’équipage, ont constaté des journalistes de l’AFP à bord. «C’est un moment important, un jour d’espoir», a déclaré à l’AFP un employé de l’aéroport de Kaboul, vêtu d’une longue chemise traditionnelle bleue, en espérant que d’autres compagnies allaient suivre rapidement l’exemple de PIA, qui n’a toutefois pas encore établi un programme de vols réguliers.
L’avion devait repartir plus chargé vers Islamabad avec près de 70 passagers, dont des Afghans ayant travaillé avec des organisations internationales et leurs proches. «Je suis évacuée, je vais au Tadjikistan» après Islamabad, a déclaré à l’AFP dans la file d’attente à Kaboul une femme de 35 ans employée par la Banque mondiale. Elle compte revenir en Afghanistan, mais «une fois que les hommes et les femmes pourront de nouveau travailler et se déplacer librement».
«L’heure la plus grave»
Au niveau économique, la situation devient critique pour des millions d’Afghans, déjà affectés par une sécheresse aiguë et les conséquences de la pandémie du Covid.
Depuis le soudain retour au pouvoir des talibans à la mi-août, l’Afghanistan est en partie à l’arrêt, notamment en raison de l’interruption des flux financiers avec l’étranger qui perfusaient une économie sinistrée par 40 ans de guerres. Les Afghans ne peuvent retirer plus de l’équivalent de 200 dollars (184 francs) par semaine, et à Kaboul, de plus en plus d’habitants sont obligés de vendre leurs biens sur les marchés aux puces pour avoir de quoi survivre.
Le chef de l’ONU Antonio Guterres a tiré la sonnette d’alarme. «Les Afghans ont besoin d’une bouée de sauvetage» pour faire face à ce qui est peut-être leur «heure la plus grave», a-t-il lancé, au début d’une réunion ministérielle à Genève qui doit permettre de lever plus de 600 millions de dollars (plus de 552 millions de francs) d’aide pour 11 millions d’Afghans (sur une trentaine de millions au total) particulièrement vulnérables.
Selon l’ONU, en l’absence de soutien, la quasi-totalité de la population afghane (97%) risque de basculer sous le seuil de pauvreté l’an prochain, contre 72% aujourd’hui. Les talibans ont annoncé la semaine dernière leur gouvernement, marqué par la présence de nombreux caciques de leur régime fondamentaliste des années 90.
Ils se sont engagés à gouverner de façon moins brutale et rigoriste que lors de leur premier règne entre 1996 et 2001, lorsque les femmes ne pouvaient pas travailler ou étudier. L’une de leurs premières mesures a été la semaine dernière d’autoriser les étudiantes à retourner à l’université sous certaines conditions, la non-mixité des cours notamment.
Mais ils ont également violemment réprimé, puis interdit, des manifestations organisées dans plusieurs grandes villes du pays, auxquelles participaient de nombreuses femmes réclamant notamment de pouvoir continuer à travailler pour nourrir leurs familles.
Manque de diversité du gouvernement taliban
À Genève, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet s’est dite «déçue» du manque de diversité du gouvernement des talibans, et s’est inquiétée du traitement des femmes et de la répression de plus en plus violente des voix dissidentes.
Côté taliban, le vice-premier ministre et cofondateur du mouvement, Abdul Ghani Baradar, a publié dans la journée un message audio pour démentir des rumeurs qui le disaient mort, tué lors d’une fusillade entre clans talibans rivaux au palais présidentiel de Kaboul. Il a dénoncé de la «fausse propagande» et des «mensonges» destinés à nuire au nouveau régime.
Version originale publiée sur 20min.ch.