Patinage artistiqueDopage: Kamila Valieva, 15 ans, a une entraîneure très sévère
Une enquête a été ouverte sur l’entourage de la jeune patineuse russe positive à la trimétazidine avant les JO de Pékin. Elle est entraînée par une femme aux méthodes controversées.
Elle est autoritaire, voire controversée, mais elle obtient des résultats: Eteri Tutberidze a propulsé en moins de dix ans la Russie au sommet du patinage artistique féminin, mais les méthodes de l’entraîneure de Kamila Valieva sont éclairées d’une lumière plus crue depuis que sa jeune élève se retrouve au coeur d’une retentissante affaire de dopage.
La méthode Tutberidze résumée en quelques mots: «Je préfère dire la vérité à mes athlètes parce qu’elles seront flattées par les autres», assénait-elle fin décembre lors d’un rare entretien à la télévision russe.
L’entraîneure rêvait alors de monopoliser le podium de l’épreuve féminine des JO 2022 avec ses trois élèves sélectionnées, Alexandra Trusova, Anna Shcherbakova et, surtout, Kamila Valieva, grande favorite pour l’or et dont la participation après un contrôle positif à la trimétazidine, est désormais suspendue à une décision du Tribunal arbitral du sport (TAS).
Enquête sur son entourage
Comme l’exige le code mondial antidopage lorsque l’athlète concerné a moins de 16 ans, l’Agence antidopage russe (Rusada) a annoncé qu’elle allait faire une enquête sur son entourage, incluant vraisemblablement Tutberidze, ciblée dans son propre pays par une campagne sur les réseaux sociaux autour des mots-clefs «Honte à Tutberidze» depuis que l’affaire Valieva a éclaté.
Eteri Tutberidze s’est fait connaître lors des JO-2014 à Sotchi, quand sa protégée de 15 ans, Ioulia Lipnitskaïa, avait illuminé la première édition de la compétition par équipes, remportée par la Russie, avec sa performance hypnotisante sur la musique du film «La Liste de Schindler».
Née dans une famille de cinq enfants aux origines géorgiennes et arméniennes, Tutberidze est réputée – et redoutée – pour sa discipline de fer et son style direct.
«Tout ce j’ai connu à l’entraînement, la douleur, l’humiliation, ça valait le coup», a par exemple lâché la championne d’Europe 2020, Alena Kostornaïa, le soir de son titre.
Rescapée d’un attentat
Cette femme aux longues boucles blondes et au regard brun perçant a connu un début de carrière mouvementé : une grave blessure l’a obligée à bifurquer vers la danse sur glace.
Au début des années 1990, elle part aux Etats-Unis avec le «Russian Ice Ballet», mais la troupe rencontre des problèmes administratifs et découvre, en arrivant sur le sol américain, que le contrat a été annulé.
Ses membres se retrouvent sans revenus dans une auberge de jeunesse d’Oklahoma City, où, en 1995, elle échappe de justesse à l’attentat à la bombe perpétré par des extrémistes anti-gouvernement qui fait 168 morts.
«D’échec en échec»
Tutberidze finit par trouver du travail en tant qu’entraîneure de patinage, mais elle a le mal du pays et décide de rentrer à Moscou, transformée depuis la chute de l’Union soviétique.
Elle dit y être allée «d’échec en échec», épluchant les petites annonces et offrant ses services à toutes les patinoires de la capitale russe. Jusqu’à être embauchée par un cirque sur glace.
Avec le temps, elle redevient entraîneure et, en 2008, rejoint la patinoire «Khroustalny», où elle travaille toujours.
De nombreux succès
C’est le début de la gloire. Après le succès de Lipnitskaïa en 2014, une autre de ses élèves, Evgenia Medvedeva, est sacrée double championne d’Europe et du monde en 2016 et 2017.
Aux JO 2018 à Pyeongchang (Corée du Sud), c’est une autre jeune prodige formée par Tutberidze qui se pare d’or, Alina Zagitova, devant Medvedeva.
A Pékin, la Russie est représentée par l’écurie Tutberidze: Valieva est invaincue pour son premier hiver en seniors, Anna Shcherbakova est la championne du monde en titre, et Alexandra Trusova celle qui a fait entrer le patinage féminin dans l’ère des quadruples sauts. Mais cette hégémonie a un coût.
Le revers de la médaille
Lipnitskaïa, souffrant d’anorexie et usée par plusieurs blessures, a quitté son entraîneure en 2015, puis pris sa retraite en 2017. Medvedeva s’est un temps exilée à Toronto après les JO-2018, auprès du très réputé coach canadien Brian Orser, mais elle ne patine plus en compétition. Comme Zagitova depuis fin 2019.
En 2020, Trusova comme Kostornaïa sont parties rejoindre le centre d’entraînement du multi-médaillé olympique et mondial Evgeni Plushenko.
Leurs départs, expliqués alors par des rivalités internes, n’avaient aucunement incité Tutberidze à se remettre en cause. «Si nous allons changer quelque chose à notre système d’entraînement? Non, nous faisons tout correctement», avait-elle écrit à l’époque sur Instagram. Depuis, Trusova et Kostornaïa ont fait le chemin inverse.