Mayotte (F)Opération anti-migrants: les Comores ne veulent pas accueillir les expulsés
Une vaste opération de la France vise à expulser des migrants illégaux de l’île de Mayotte, dans l’océan Indien. Mais les Comores voisines ne souhaitent pas accueillir leurs ressortissants.
Les Comores «n’entendent pas accueillir» les personnes en situation irrégulière que Paris prévoit d’expulser du département français de Mayotte, dans l’océan Indien, à l’issue d’une vaste opération anti-migrants controversée prévue dans les prochains jours. L’opération «Wuambushu» (reprise, en mahorais) du ministre français de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, vise à déloger les migrants illégaux des bidonvilles de Mayotte et expulser les sans-papiers, dont la plupart sont des Comoriens, vers l’île comorienne la plus proche, située à seulement 70 km.
Le gouvernement français n’a pas donné de date précise pour le lancement de l’opération. Mais quelque 1800 policiers et gendarmes sont déjà à Mayotte. Plus de 2500 personnels (forces de l’ordre, agence régionale de santé, justice, réserve sanitaire) sont mobilisés, selon une source proche du dossier.
Les Comores demandent «que le gouvernement français renonce à cette opération», a indiqué le porte-parole du gouvernement de Moroni, Houmed Msaidie, joint par téléphone. Ces dernières semaines, Moroni a multiplié les appels au gouvernement français à annuler l’opération, disant ne pas avoir les moyens d’accueillir un afflux de migrants et accusant Paris de vouloir semer «la violence.»
L’archipel pauvre de près de 900’000 habitants n’a pas de centre de rétention administrative. Lorsque des Comoriens sont renvoyés notamment de Mayotte, «nous vérifions l’identité des refoulés (…) et nous les laissons partir puisqu’ils sont chez eux», a expliqué une source sécuritaire à l’AFP. «Nous n’avons pas les moyens d’absorber cette violence fabriquée de Mayotte par l’État français», avait déclaré en début de semaine le gouverneur d’Anjouan, Anissi Chamsidine.
Se battre contre la France
D’intenses tractations ces dernières semaines entre Moroni et Paris avaient laissé planer la possibilité d’un accord de dernière minute. Le président comorien, Azali Assoumani, qui assure depuis février la présidence de l’Union africaine, avait dit espérer «que l’opération sera annulée», en reconnaissant «n’avoir pas les moyens de (la) stopper par la force.»
«Nous n’avons pas la force de nous battre contre la France mais nous avons le droit international avec nous, pourquoi le gouvernement n’en use pas?», a dénoncé Hissane Guy, porte-parole de l’ONG locale «Adrikni», interrogé par l’AFP. «Les autorités comoriennes ne s’attendaient sûrement pas à une opération de cette envergure, qui foule au pied les droits de l’homme et les droits les plus élémentaires», a estimé Mahamoud Aboud, ancien diplomate comorien.
De nombreux migrants africains et notamment comoriens tentent chaque année de rallier clandestinement Mayotte. Ces traversées hasardeuses prennent souvent une tournure dramatique avec des naufrages de kwassa kwassa, petites embarcations de pêche à moteur utilisées par les passeurs.
Violence et trafics
Près de la moitié des 350’000 habitants de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française, selon l’Institut national des statistiques (Insee), mais un tiers des étrangers sont nés sur l’île. Ces migrants clandestins sont installés dans des quartiers insalubres appelés «bangas», en proie à la violence et aux trafics. Depuis 2019, l’État français a considérablement accru la lutte contre cette immigration clandestine, avec notamment la présence continue en mer de bateaux intercepteurs et une surveillance aérienne.
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