Région russe de Belgorod«Même si les tirs répétés font peur, on s’est habitués»
Malgré les frappes quotidiennes et la vaste incursion de combattants venus d’Ukraine lundi passé, c’est le fatalisme qui domine chez les habitants de Belgorod et de ses environs.
Après avoir envisagé de quitter Belgorod, une ville russe près de la frontière avec l’Ukraine, Marina Saprykina a finalement choisi de rester, malgré les frappes fréquentes et la récente incursion d’hommes armés: «Nous sommes habitués», dit-elle.
«Ce qui doit arriver arrivera»
La région de Belgorod a été le théâtre lundi dernier de l’incursion la plus massive d’hommes armés venus d’Ukraine depuis le début du conflit en février 2022, une intrusion accompagnée de nombreux tirs d’obus et de drones qui a soulevé des interrogations sur la solidité des défenses russes. Les habitants de plusieurs localités frontalières ont fui et l’armée ainsi que les forces de sécurité russes ont indiqué avoir repoussé les assaillants mardi en mobilisant l’aviation et l’artillerie.
Mais dans la capitale régionale, également appelée Belgorod et située à environ 40 km de la frontière, aucun signe de panique n’était visible en dépit des obus et des drones qui tombent fréquemment sur la ville et sa périphérie depuis des mois. «Les informations sont vraiment préoccupantes, nous sommes inquiets», dit à l’AFP Saprykina. Les frappes «ont lieu tous les jours, on les entend. Mais même si ça fait peur, on s’est habitués», ajoute cette directrice commerciale âgée de 34 ans, vêtue d’une élégante robe pourpre.
Viktor Krouglov, 24 ans, employé d’un site de vente en ligne et arborant une barbe de hipster, a lui aussi hésité à quitter Belgorod à cause des tirs répétés. «Mais si c’est ton destin, peu importe où tu vas, ce qui doit arriver arrivera», dit-il. Le fatalisme semble être le sentiment dominant dans cette ville. Si certains habitants expriment une légère inquiétude, aucune panique n’est visible. Aucune présence militaire dans le centre-ville, ni même de présence policière renforcée.
Abris antiaériens
Le centre-ville grouille de badauds qui se promènent nonchalamment sur les berges aménagées et dans les parcs sous un grand soleil, se pressent dans les centres commerciaux pour faire des emplettes ou prennent le soleil en terrasse. Rimma Malieva, une enseignante à la retraite âgée de 84 ans, s’inquiète surtout pour son chien qui panique lorsque les hélicoptères militaires survolent sa maison ou quand des explosions se produisent. «Il court dans tous les sens, sans savoir où aller. Les chiens ont peur des bruits forts, surtout quand la défense antiaérienne (russe) est actionnée. Donc c’est lui qui a le plus peur», dit la retraitée, veste blanche et sac à main assorti. «Quant à nous, qu’y pouvons-nous? On ne peut que s’écrier «oh!», et «ah!» Que peut-on changer?», ajoute-t-elle.
Derrière elle, une flèche blanche inscrite sur la façade d’un immeuble indique l’abri antiaérien le plus proche, rappelant la réalité du conflit qui fait rage. Il y a aussi des portraits de «héros de Russie» – des militaires tués au combat en Ukraine – placardés dans la ville, côtoyant des affiches appelant à rejoindre l’armée.
«Une sorte de test»
Galina, une retraitée de 74 ans qui vit à Belgorod depuis 50 ans, est encore surprise que des dizaines de combattants aient pu entrer en Russie depuis l’Ukraine. «C’est bizarre, d’habitude ce sont des petits groupes qui s’infiltrent. Mais là, c’était un groupe assez grand», dit-elle. «Peu importe», poursuit-elle, «ils ont été repoussés et, pour certains, expédiés dans l’au-delà».
Comme elle, la plupart des habitants interrogés par l’AFP disent faire confiance aux autorités pour répondre aux failles révélées par la récente incursion. Les Ukrainiens «ne sont pas idiots, ils testent (la frontière) en permanence», estime Evguéni Cheïkine, un maçon de 41 ans, casquette marron sur la tête. L’incursion était «très probablement une sorte de test. Et il semble qu’il y avait un trou» dans le dispositif russe.