FootballNottingham Forest: comment un promu peut-il dépenser 150 millions?
Le club anglais réalise un mercato inédit pour un promu, attirant quantité de joueurs pour des sommes folles. Comment expliquer pareille razzia de la part du nouveau club de Remo Freuler?
Le mercato estival touche à sa fin et quelques dossiers sont encore en lice pour faire parler d’eux jusqu’au bout. Celui de Ronaldo, de Depay, de l’Ajacide Antony… Mais s’il y a un nom qui peut prétendre au statut d’animateur en chef de l’été, c’est bien celui de Nottingham Forest, avec ses 17 recrues (le décisif Awoniyi, le bien connu Lingard, le dispendieux Gibbs-White, Remo Freuler, Dean Henderson…) et ses 152 millions d’euros dépensés. C’est simple, Forest a claqué davantage d’argent cet été que le Real, le Bayern ou City, presque autant que l’Eredivisie ou la Liga portugaise entières, et histoire de faire un rapide crochet par nos contrées, 10 fois plus que les clubs de Super League. Une fois ces chiffres digérés, une liste de questions longue comme le bras abonde…
Un ménage nécessaire
Le 14 août dernier, Nottingham Forest a rejoué un match de Premier League pour la première fois depuis 1999. Fini de traîner sa carcasse de double champion d’Europe décadent à travers les divisions inférieures du football anglais. Leur sortie du purgatoire, les hommes de Steve Cooper l’ont validée en passant par les play-off du Championship.
Mais sitôt la promotion actée, il a fallu rapidement redescendre sur terre: l’effectif n’était absolument pas au niveau pour espérer survivre dans la meilleure ligue du monde. Il avait fallu bricoler toute la saison à certains postes, les prêts de quatre titulaires avaient pris fin, et après tout, ce groupe n’avait fini «que» quatrième de deuxième division…
Les dirigeants l’ont vite compris, il était urgent de s’adonner à une refonte totale de l’effectif. D’où les fameuses 16 arrivées durant les deux derniers mois. «J’espère que les gens regardent les raisons pour lesquelles nous avons réalisé autant de signatures et ne se disent pas juste que Forest a signé des tonnes de joueurs. Il y a une vraie logique derrière, une vraie nécessité. Nous n’avions pas le choix», a rappelé à ce sujet Steve Cooper. D’ailleurs, le boss du City Ground continue de défendre aujourd’hui la nécessité d’étoffer encore un peu plus son groupe.
Enfin possible d’investir
Ce lifting de l’effectif, les supporters du Tricky Tree l’attendaient depuis le rachat du club en 2017 par le magnat grec Evángelos Marinakis. Malheureusement pour eux, les conditions n’ont pas toujours été réunies. Consultant star au Royaume-Uni, Gary Neville posait récemment le problème de la façon suivante: «Si vous êtes un club intégré au Championship durant trop de temps, vous avez des restrictions sur ce que vous pouvez faire», précisait-il au sujet du fair-play financier contraignant de la D2 anglaise. «Quand vous montez, vous devez remanier toute votre équipe. Forest n’avait d’autre choix que de faire ça», a complété l’ancien latéral des Three Lions.
Cette fenêtre d’opportunité enfin ouverte, on a alors flambé comme jamais du côté des Midlands, faisant du champion d’Angleterre en 1978 le deuxième club le plus dépensier de l’île, derrière Chelsea. C’est ainsi que Nottingham s’est retrouvé à débourser 29 millions d’euros pour Morgan Gibbs-White – un illustre inconnu aux yeux de l’Europe ayant toutefois suscité moult frissons en Championship la saison passée –, 20,5 millions pour Taiwo Awoniyi, 20 nouveaux millions pour le jeune Neco Williams (21 ans), ou encore 12 millions pour payer le salaire annuel (brut) de Jesse Lingard.
Un jackpot à décrocher
Enfin, ce qui se cache derrière ces flots de pounds, c’est un pari sur l’avenir. Des promus qui font venir des joueurs à la pelle, il y en a chaque saison. Lors de chaque (re)montée, Fulham et Norwich se font livrer du footballeur au kilo. La différence avec la politique de Nottingham Forest réside en ceci que le nouveau club de Remo Freuler vise des hommes qui doivent lui permettre non pas de prétendre se maintenir, mais d’en avoir l’assurance.
Alors certes, ces joueurs coûtent cher (d’autant plus que des contrats allant jusqu’à 2026 ou 2027 leur ont été proposés) et l’entier de la manne obtenue grâce aux droits TV (quelque 100 millions pour un promu) est en train d’y passer. Mais le jeu en vaut la chandelle, car si le NFFC évite le retour à l’étage inférieur à l’issue de cette saison, un avenir nouveau peut s’ouvrir à lui.
Si en mai les Reds sont à même de fêter leur maintien en Premier League, qu’importe ce qu’il adviendra lors des saisons futures, ils auront atteint une nouvelle dimension. C’est simple, un maintien leur assurerait de toucher 300 millions de livres (353 millions d’euros) d’ici à 2027. On remercie pour cela les revenus inhérents à une participation au championnat le plus médiatisé de la planète, mais surtout, les parachutes dorés accordés aux équipes reléguées.
Or, le nombre d’années au cours desquelles un club peut bénéficier de ces parachutes dépend du nombre de saisons passées en Premier League. Deux saisons passées dans l’élite leur donnent droit à trois ans de parachutes (le montant total sur trois ans se porte à 106 millions d’euros selon des estimations). Dès lors, même dans le scénario d’une relégation à l’horizon 2024, Nottingham aurait les moyens de rebondir dans des délais les plus brefs et de faire partie d’un wagon très sélect de formations capables de goûter régulièrement aux joies de la D1 anglaise.
Pour un club habitué au ventre mou du Championship (depuis son retour en D2 en 2008, la position moyenne des Reds au classement est 11,58e), il s’agirait d’une avancée majeure. Et si on se place cette fois du côté du propriétaire Evángelos Marinakis, ce serait un pas de géant vers la rentabilité d’un club qui a tout de même un bilan négatif de 62 millions depuis que l’homme d’affaires grec en a pris la possession.
Pour toutes ces raisons, on comprend que le moment était venu pour l’ancien club du mythique Brian Clough de mettre le paquet sur le marché des transferts. Ça choque peut-être, mais c’est rationnel. Ce qui l’est parfois bien moins, c’est le football et ses voies impénétrables. Seules elles sont au courant de la destinée de ce Nottingham Forest new look: investissement payant ou crash industriel mémorable?