Jura bernoisMoins de plastique sur la tête (de moine)
Un filet sur les cheveux, les fromagers Florian et Cédric Spielhofer ont développé à St-Imier un nouvel emballage pour leur produit phare.
Dynamisée par l’invention de la girolle en 1982, la tête de moine est un fromage cylindrique qui fait recette. Mais la médaille a son revers: quand elle est vendue en barquettes sous forme de rosettes raclées à la girolle, la Tête de moine laisse une montagne de plastique.
Problème: le carton ne retient pas la condensation, si bien que le fromage sèche dans un emballage cartonné. La contrainte, c’est aussi la nécessité d’interrompre l’affinage et de stabiliser le produit mis en vente. Parmi sept producteurs et deux affineurs, le principal fournisseur s’est penché sur cette équation, à St-Imier (BE). Résultat; une barquette mi-plastique, mi-carton.
Record de ventes
L’enjeu en vaut la rosette, avec un record 3300 tonnes vendues l’an dernier sous appellation d’origine contrôlée, dont 40% déjà raclées qui font 13,2 millions de barquettes à 100 grammes. Le solde est écoulé en meule et surtout, en demi-meule pour l’exportation dans 55 pays, dans un kit comprenant une Fleurolle en… plastique. «Un plastique de seconde main, récupéré dans les océans», précisent les fromagers Florian et Cédric Spielhofer.
À la fromagerie «Fromages Spielhofer», où moins d’une Tête de moine sur cinq est préemballée en rosettes, un essai est mené avec une couche de carton recyclé qui permet de diminuer le plastique de 65%. Avant sa diffusion dans la grande distribution, cette barquette est testée dans les magasins de la fromagerie, à Bienne et à Sonvilier.
Couche plastifiée
L’idée hybride, c’est de placer les rosettes dans un carton enrobé d’une fine couche plastifiée, pour une fraîcheur et une hygiène garanties avec 65% de plastique en moins. «Le carton seul deviendrait humide», précisent Cédric et Florian Spielhofer.
Sous un plastique transparent, la barquette présente l’avantage de pouvoir servir de support, par exemple pour l’impression d’une recette. Le choix s’est porté sur un emballage non pas rond comme une Tête de moine, mais rectangulaire, pour gagner de la place dans les rayons des supermarchés.
De leur propre aveu, les frères Cédric et Florian Spielhofer sont tombés dans une cuve à fromage quand ils étaient petits. «Il y avait toujours un coup de main à donner avant d’aller à l’école», disent-ils en évoquant la réception du lait fourni par les producteurs régionaux à la fromagerie familiale de Cormoret.
Le lait livré à St-Imier n’est pas issu d’un ensilage, mais de pâturages riches en fleurs qui font la diversité du produit: «Un gruyère AOP n’a vraiment pas le même goût à St-Imier ou à Fribourg, sous l’influence aussi des races de vaches et des saisons», disent-ils.
Arômes magnifiques
Cédric et Florian sont devenus fromagers par des filières différentes, émerveillés par le lait et ses déclinaisons en beurre, yogourt et fromage: «Les arômes dégagés à l’affinage sont magnifiques», soupirent les fromagers imériens, en relevant aussi la valeur du calcium pour les os et les dents. Avec cette précision pour ceux qui ont une intolérance: «Le lactose disparaît en cours d’affinage, dégradé par les bactéries».
Issue de l’abbaye de Bellelay (BE) datant de 1136, la Tête de moine est une dénomination apparue vers 1790 en référence soit au crâne rasé des moines avec un brin d’ironie, soit au nombre de fromages à stocker par tête de moine. Cédric Spielhofer a son idée sur la question: «Des moines se levaient la nuit pour racler du fromage et remettre le chapeau, ni vu ni connu».