Conflits d’intérêtsLe ministre français de la Justice Éric Dupond-Moretti relaxé
Les juges de la Cour de justice de la République n’ont pas suivi les réquisitions de l’accusation, qui réclamait un an de prison avec sursis. Ceci aurait mis en péril l’avenir politique du ministre.
En France, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, jugé pour prise illégale d’intérêts, a été déclaré «non coupable» et relaxé, mercredi, à Paris, par la Cour de justice de la République (CJR), une décision qui éclaircit son horizon politique. Les juges de la CJR, en majorité des parlementaires, n’ont pas suivi les réquisitions de l’accusation, qui avait réclamé un an de prison avec sursis à la fin de ce procès inédit d’un ministre de la Justice en exercice.
«C’est ce que l’on espérait, c’est ce que le droit dictait. C’est évidemment une satisfaction, une émotion énorme. La Cour a jugé que le ministre de la Justice était innocent», a réagi une avocate d’Éric Dupond-Moretti.
La CJR a considéré que «l’élément matériel» de la prise illégale d’intérêts était bien constitué, mais pas l’élément intentionnel. «À aucun moment», le ministre «n’avait exprimé une animosité, un mépris ou un désir de vengeance» envers les quatre magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, et contre lesquels il avait ouvert une enquête administrative, a déclaré le président de la CJR Dominique Pauthe. La Cour a également estimé qu’il n’avait pas été «averti» du conflit d’intérêts.
Pendant la lecture de la décision, qui a duré moins d’une demi-heure, Éric Dupond-Moretti, en costume sombre, est resté droit devant le pupitre, les bras croisés derrière le dos.
Son poste était en jeu
La décision de la CJR était déjà actée depuis plus d’une semaine, même si elle avait été tenue secrète: les juges s’étaient réunis dans la foulée du procès, le 16 novembre, pour délibérer. Ils s’étaient aussi retrouvés mercredi matin, avant l’audience, pour valider la rédaction.
L’accusation avait requis un an de prison avec sursis, disant sa «conviction» qu’Éric Dupond-Moretti s’était bien rendu coupable de prise illégale d’intérêts en ouvrant, en tant que ministre, des enquêtes administratives visant quatre magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, déclenchant une plainte inédite des syndicats de la magistrature.
Le ministre n’est «coupable de rien», avait répondu sa défense en plaidant la relaxe. Mais une condamnation, même «la plus basse», même «la plus ridicule», «suffirait» à entraîner sa «démission», avaient soutenu ses avocats.
«Serein»
Selon son entourage, Éric Dupond-Moretti était «serein» avant la décision, et satisfait de s’être «expliqué» au cours du procès, «pour la première fois» depuis le début de ses ennuis judiciaires, quelques mois après sa nomination surprise, à l’été 2020.
Après ce procès inédit – c’est la première fois qu’un ministre de la Justice en exercice est jugé –, Éric Dupond-Moretti avait renfilé le costume de ministre comme si de rien n’était, enchaînant réunions et déplacements.
Dans la foulée du verdict, le ministre de la Justice devait être reçu dans l’après-midi à l’Élysée, par Emmanuel Macron. La présidence n’a pas commenté la décision de la Cour.
De leur côté, les députés du groupe La France insoumise ont immédiatement appelé à la suppression de la CJR, «juridiction systématiquement partiale».