Ski et snowboard freestyle: Le difficile équilibre entre plaisir, résultat et prise de risque

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Ski et snowboard freestyleLe difficile équilibre entre plaisir, résultat et prise de risque

Quatre cadors de la Coupe du monde de freestyle expliquent leur rapport aux difficultés de leur métier, où ils doivent allier les sensations fortes, la sécurité et la course aux médailles.

Robin Carrel Silvaplana
par
Robin Carrel Silvaplana
Le plus dur, ce n’est pas la chute, mais l’atterrissage.

Le plus dur, ce n’est pas la chute, mais l’atterrissage.

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Le même dilemme a été présenté à Mathilde Gremaud, Sarah Höfflin, Mia Brookes et Thibault Magnin. Ils évoluent tous dans une discipline dite «fun», mais qui est olympique, notée par des juges, exige un niveau incroyable et brasse des prize-money importants. Les vainqueurs à Silvaplana ce week-end encaisseront par exemple 27’500 francs chacun, qu’ils soient femmes ou hommes, snowboardeurs ou skieurs. D’où la difficulté de trouver les limites entre risques et performance.

Mathlide Gremaud (championne olympique à Pékin)

«Ce jeudi par exemple, je ne me suis pas qualifiée, j’ai raté mes deux runs. J’aurais peut-être pu faire des choses plus faciles pour essayer de passer, mais ça n’aurait pas servi à grand-chose, si je n’avais pas été contente de moi. En général, je ne vais vers les coaches que pour être rassurée et être sûre de ce que je veux faire. Si il y a un doute. Mais en général, c’est moi qui décide, je préfère. Si j’aime ce que je fais, je skie mieux. La décision quant aux tricks que je vais faire, je la prends pas mal au feeling. J’ai remarqué que si j’aimais ce que je faisais, c’est que ça incluait de la difficulté et des risques. Si c’est trop tranquille, ça ne me plaît pas. Depuis le début, je sais inconsciemment ou consciemment que si je fais un run qui me plaît, ça devrait être une descente pour finir devant au classement. Si je termine quatrième et que ça a été fun, je trouverais quand même que ça n’avait pas été assez bon ici ou là et qu’il y a eu quelques fautes. Ça peut m’arriver de terminer au pied du podium et d’avoir pris du plaisir en piste, mais ce n’est pas souvent. En général, ça suffit quand même pour monter sur le podium.»

Sarah Höfflin (championne olympique à PyeongChang)

imago images/Xinhua

«Cet équilibre est quelque chose qui évolue selon le point où tu en es dans ta carrière. À 18 ans, après une première bonne saison, une athlète visera la compétition avant tout. La sécurité et le fun passeront derrière. Moi, à 32 ans (et ça fait longtemps), je mets la priorité sur la sécurité. J’ai envie de faire ce que je fais et ce que j’aime le plus longtemps possible. Si j’ai de bonnes chances de plaquer une figure, je la fais. Sinon, j’attends. Si c’est comme la gueule de bois après une chute (rires)? Après une grosse soirée, on dit tout le temps qu’on ne le fera plus jamais, mais on recommence. Dans le freestyle, c’est différent, l’inverse même et il ne faut jamais dire jamais. C’est tellement, mental notre sport. On doit se dire qu’un jour ça passera, faire les bons choix et ne pas se lancer sur une figure si on n’est pas prête. L’autre jour, à Tignes, j’ai appris une nouvelle figure à l’entraînement juste avant la finale et je l’ai faite seulement deux fois avant d’essayer en compétition. Une fois je l’ai passée sans bâton et la deuxième fois je suis tombée. J’ai fini par la faire quand ça comptait et ça a passé! Une autre fois, avant les X-Games en 2018, j’avais lancé un switch double 900 du côté gauche, mais sans vouloir le faire…»

Mia Brookes (championne du monde il y a quelques semaines)

REUTERS

«Bien sûr, tout dépend de ce qui se présente devant moi, sur le slope. Il faut être capable de réfléchir rapidement, quand tu es au départ. Parce que les choses peuvent changer en quelques secondes, à cause de la météo, notamment. Et si quelqu’un a réussi un passage extraordinaire, il faut savoir adapter sa prise de risque. Parce que quand on tente quelque chose de compliqué, tout peut arriver. Jeudi, par exemple, lors des qualifications, la rapidité de la piste a varié en cours de journée. Il faut toujours avoir l’esprit ouvert sur ce qu’il se passe autour et s’adapter. Des fois, je change même ce que je pensais faire en cours de manche. Mais ça, ça peut s’entraîner aussi. Genre si on se rate sur un module, il faut vite avoir un plan de rechange au cas où. C’est très important d’avoir différentes options à disposition. Concernant le risque de blessure, je pense que ça peut arriver à n’importe quel moment. Moi je touche du bois, parce qu’il ne m’est jamais rien arrivé. Mais ça a un côté excitant aussi, de ne pas savoir ce qui va se passer. L’important, c’est d’arriver à bien calculer ce qu’on essaye de faire. Les accidents, c’est important que ce soit quelque chose qui ne vienne pas à l’esprit quand tu es sur la piste, parce que ce serait des pensées parasites.»

Thibault Magnin (Fribourgo-Espagnol, 5e à Tignes la semaine dernière)

AFP

«Moi, ce qui me motive le plus quand je prépare mon run, c’est d’être créatif, le style, faire un peu des choses différentes. Ça gagne quelques points. Quand j’ai fini cinquième à Tignes, mon meilleur résultat en Coupe du monde, je n’ai sans doute pas fait le run le plus technique. Il y a plein de tactiques dans ce sport. C’est ça qui est bien dans le slopestyle, il y a de la place pour faire preuve de créativité. Chaque descente y est différente de celle d’avant et ça dépend aussi de ce que le slope nous donne comme possibilités, avec les sauts, les rails… On peut créer plein de choses, c’est ça qui est beau. Bien sûr qu’il y a toujours la peur de la chute et de la blessure. Mais c’est cette petite angoisse qui donne l’adrénaline et l’énergie de faire ces figures. Au début, c’est une peur, mais quand tu la réussis et que tu la poses, c’est… comment dire… addictif. Elle pousse à s’améliorer, à innover, à progresser.»

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