FootballPour Gerd Müller, «un but c’était un but»
Avec Gerd Müller, décédé à 75 ans de la maladie d’Alzheimer, disparaît peut-être «le plus grand avant-centre de l’histoire», en tout cas le plus efficace de tous les temps.
- par
- Jean Ammann
Cela paraît simple, quand on écoute Gerd Müller: «Il faut être plus rapide que l’adversaire, et avoir du nez», disait-il. Plus rapide que l’adversaire, tout le monde comprend ce que cela signifie. Mais «avoir du nez», c’est un mystère. Et c’est dans ce mystère que réside toute la grandeur de Gerd Müller, le joueur qui marqua 674 buts en 749 matches.
À l’heure du dernier voyage, les titres de transport ne s’embarrassent plus de précautions langagières: «Gerd Müller, le plus grand avant-centre de l’histoire», proclame L’Équipe. C’est sûrement vrai, si le propre d’un avant-centre est de mettre des buts sans se soucier des notes artistiques: «Un but est un but. Ce qui compte, c’est que le ballon franchisse la ligne», avait soupiré Gerd Müller, mort dimanche à 75 ans, victime de la maladie d’Alzheimer.
180 buts en juniors
Dans les vidéos qui retracent sa carrière, on voit Gerd Müller marquer des buts dans une variété de positions que le Kama-sutra n’aurait pas imaginées. «Un tir ou un centre d’un coéquipier et il bondissait pour réaliser l’enchaînement qu’il maîtrisait à la perfection: le ballon arrive, Müller oriente son corps, tire et marque. Du pied droit, du pied gauche, de la tête ou de n’importe quoi. Dans les airs, en pivot, en tombant ou en taclant», écrit David Fioux dans L’Équipe.
Depuis, les footballeurs ont inventé une formule pour ce genre de contorsions: ils parlent d’un but à la Gerd Müller. Pour le Bayern Munich, en 1972, il inscrivit 40 buts en une saison, record seulement battu par Robert Lewandowski ce printemps (41 buts). Il s’est retiré, fâché, de la sélection nationale avec le bilan ahurissant de 68 buts en 62 matches. Devant tant d’efficacité, un défenseur adverse (forcément) déclara: «La seule solution, c’est les menottes.»
Aujourd’hui, tous les entraîneurs du monde se plaignent que leur équipe ait manqué de «réalisme». En réalité, ces entraîneurs ont manqué d’un Gerd Müller qui, à l’âge de 17 ans, avait marqué 180 buts en une saison avec les juniors de son équipe.
Avec son physique d’haltérophile, du haut de son 1,76 m, râblé, Gerd Müller a fait le malheur des Pays-Bas en 1974: il marqua pour l’Allemagne le but de la victoire en finale de la Coupe du monde (2-1), quand les esthètes auraient souhaité le couronnement de Cruyff l’élégant. Mais avec Gerd Müller se perpétuait l’idée d’un football rageur, primitif et instinctif, l’idée d’un football qui n’a rien renié de ses origines et qui ne veut pas mourir.