UkraineLa guerre pourrait durer «encore des années»
Six mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le conflit ne semble pas près de se terminer et s’enlise. Analyses d’experts.
Combats et frappes russes meurtrières se poursuivent au quotidien en Ukraine, alors que le conflit entre dans son septième mois. La guerre peut-elle durer des années? Quelles sont les capacités à faire face des deux pays?
Le conflit va-t-il encore durer?
Les analystes ne voient aucune raison pour qu’il s’arrête. Pas de compromis ou de pourparlers de paix en vue non plus, au regard des positions extrêmement opposées. «On est dans un moment où le front se stabilise. Même si l’armée russe continue de tenter des offensives, on voit un essoufflement. Moscou est en position défensive sur une grande partie du front et une partie de son arrière en Ukraine», indique Dimitri Minic, chercheur au Centre Russie/NEI de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
«Il est possible que l’armée ukrainienne lance une opération d’ampleur pour reconquérir une partie de la région de Kherson, ou même la ville de Kherson, à court ou moyen terme», ajoute-t-il.
Marie Dumoulin, directrice du programme Europe élargie du think tank ECFR (European Council on Foreign Relations), estime que le conflit va se prolonger. «On peut penser que cela va durer jusqu’en 2023» au moins, selon elle, soulignant qu’un scrutin présidentiel est prévu dans les deux pays en 2024. «Est-ce que cela jouera et dans quel sens?» L’analyste politique russe Konstantin Kalatchev estime, lui, que cela pourrait durer «encore des années».
Les Ukrainiens peuvent-ils continuer à résister?
L’hiver, avec probablement des coupures de courant et de chauffage, sera difficile pour la société ukrainienne. «Le pays est au bord du défaut de paiement; il y a 40% des écoles qui ne vont pas pouvoir ouvrir à la rentrée; il y a des pénuries de carburant», souligne Marie Dumoulin.
Dimitri Minic souligne que l’armée ukrainienne a l’avantage d’un «approvisionnement en armes et matériels occidentaux qui peuvent être de dernière génération ou supérieurs à ce dont l’armée russe dispose, et les Ukrainiens ont l’avantage de défendre leur territoire et d’avoir un moral plus élevé».
Les Russes peuvent-ils faire face?
Marie Dumoulin relève que l’impact des sanctions «commence à se faire ressentir dans certains secteurs». «L’État russe a des réserves; ils ont un matelas financier qui permet un peu de lisser les effets mais ça ne sera pas éternel», dit-elle. Les effets de contraction de l’activité pourraient commencer à se faire sentir fortement à partir de l’automne. «Mais je ne pense pas que Vladimir Poutine renonce à sa guerre juste parce que l’activité économique a diminué», estime-t-elle.
Konstantin Kalatchev relève pour sa part que les «réserves de patience» des Russes «sont bien plus grandes que celles des Européens». «La Russie espère gagner par l’usure», explique-t-il.
À quels scénarios s’attendre?
Le plus probable: celui de «l’enlisement», «avec progressivement une lassitude qui va s’installer côté occidental et qui ne facilitera pas le soutien à l’Ukraine», estime Marie Dumoulin. Les pays européens doivent gérer un mécontentement de leurs populations face à l’explosion des prix de l’énergie et des denrées alimentaires.
Même si c’est le scénario le moins probable, on ne peut pas exclure selon elle celui «où les Occidentaux poursuivent leur soutien à l’Ukraine et qu’à un moment l’espèce d’équilibre qui s’est établi entre les forces russes et ukrainiennes sur le terrain soit modifié au profit de l’Ukraine».
Pour Dimitri Minic, «ce qui pourrait aggraver la situation entre le pouvoir russe et ce qui reste de la société civile, c’est une déclaration de guerre, la loi martiale ou la mobilisation générale».