Session – Le National s’empoigne sur le bien-être animal et l’élevage intensif

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SessionLe National s’empoigne sur le bien-être animal et l’élevage intensif

Les députés sont nombreux à prendre la parole sur ce texte qui veut inscrire dans la Constitution la dignité des animaux élevés à des fins agricoles. Le Conseil fédéral lui oppose un contre-projet. La droite refuse tout en bloc.

Christine Talos
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Christine Talos
Avec le contre-projet du Conseil fédéral, les porcs devront disposer impérativement d’aires de repos recouvertes de litière.

Avec le contre-projet du Conseil fédéral, les porcs devront disposer impérativement d’aires de repos recouvertes de litière.

20min/Simon Glauser

Des milliers de poules entassées dans des halles immenses et malades d’avoir été engrossées trop vite, des cochons détenus sur des sols durs, avec à peine de la place pour bouger. Ces conditions dans lesquelles sont détenus de nombreux animaux destinés à finir dans nos assiettes ont été au cœur des discussions du National ce mardi. Les députés devaient en effet débattre d’un sujet très émotionnel: celui de l’élevage intensif en Suisse, un type d’élevage que veut bannir une initiative déposée en 2019. Rejoignant en partie les initiants, le Conseil fédéral lui opposait un contre-projet direct (lire l’encadré).

Après un duel entre la gauche, favorable au contre-projet et la droite qui y était opposée, c’est celle-ci qui va très vraisemblablement s’imposer. PLR, Centre et UDC refusent en effet à la fois l’initiative, le contre-projet et une proposition en vue d’un contre-projet indirect, les jugeant tous inutiles. Le débat continuera ultérieurement (55 orateurs ayant demandé la parole) mais les résultats finaux ne laissent que peu de place au doute.

Législation stricte en Suisse

La droite a en effet longuement rappelé que la Suisse avait l’une des législations les plus restrictives au monde en matière de protection animale et que l’élevage intensif n’y existait pratiquement pas. L’initiative souhaite en outre inscrire dans la Constitution les normes de Bio Suisse. «Tous les producteurs seraient alors contraints de produire selon les normes bio», a rappelé Esther Friedli (UDC/SG) pour la commission. «L’approche n’est pas la bonne; c’est aux consommateurs d’assumer leurs responsabilités en privilégiant une viande labellisée par exemple. Ils doivent avoir le choix», selon Beat Walti (PLR/ZH).

Pour la droite, l’initiative aurait aussi pour conséquence de renchérir les prix de la viande et de pousser du coup les Suisses au tourisme d’achat. En outre, elle préconise que la viande importée réponde aux normes strictes qui seraient appliquées avec le nouvel article constitutionnel. «Mais comment, en important des saucisses de porc, s’assurer que les animaux ont été traités à l’étranger selon les impératifs suisses», a interrogé Olivier Feller.

«L’initiative est perverse et dangereuse», a lancé enfin Pierre-André Page (UDC/FR). «Sous des couverts de morale verte, elle mettrait en péril notre agriculture et menacerait de nombreuses exploitations». En outre, en limitant le nombre d’animaux par exploitation, le texte aurait pour conséquence d’obliger les agriculteurs à construire des milliers de nouveaux poulaillers ou de porcheries, ce qui va contre la loi sur l’aménagement du territoire, a-t-il rappelé.

Des conditions d’élevage bien loin de la publicité

Évidemment le discours était inverse du côté des partisans de la loi et du contre-projet du Conseil fédéral. «Pour le lobby des agriculteurs et l’industrie de viande, il n’y a que la viande qui compte et tout le reste est garniture», s’est ainsi exclamée Judith Bellaiche (vert lib(ZH). «Or on a l’obligation morale de respecter la dignité des animaux», a-t-elle poursuivi. La population suisse est attachée au bien-être animal, a renchéri Sophie Michaud Gigon (Verts/VD).

La gauche soutenait le contre-projet du Conseil fédéral à l’image de Samuel Bendahan (PS/VD) qui a lancé un véritable plaidoyer en sa faveur. «Il propose un hébergement respectueux des animaux, des sorties régulières à l’extérieur, des conditions d’abattage respectueuses. C’est le strict minimum! Comment peut-on s’opposer à cela?» a-t-il lancé avec fougue. «Le Conseil fédéral propose des normes simples et basiques qui sont déjà appliquées par une majorité d’agriculteurs qui font bien leur travail et qui aiment leurs bêtes», a-t-il souligné. «Seuls ceux qui font passer le bien-être animal au second plan seront impactés».

Du côté des Verts, la Zurichoise Meret Schneider a rappelé que la condition des animaux de rente était loin de celle décrite par la publicité. «Les poulets sont parfois plus de 27’000 à vivre dans une halle et les poules pondeuses sont asphyxiées après un an de vie, lorsqu’elles deviennent moins productives», a-t-elle rappelé. Quant aux cochons, qui ont des capacités cognitives supérieures à celles des chiens, ils ont 1 m² par tête pour vivre et ne voient jamais le soleil avant d’être abattus. «Imaginez ce que dirait la société si on faisait pareil avec des Goldens retrievers», a-t-elle lancé. Pour elle, «mieux vaut manger de la bonne viande deux fois par semaine que des Chicken Wings fabriqués en Thaïlande tous les jours».

Ce que disent l’initiative et le contre-projet

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