Jura bernois – Lupanar contesté: «Ce sont les prieurs qui n’en veulent pas»

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Jura bernoisLupanar contesté: «Ce sont les prieurs qui n’en veulent pas»

Un projet de cabaret passe mal à Crémines, mais après avoir tout emménagé dans un ancien hôtel, le restaurateur kosovar Selman Osmani ne lâchera rien, avec le soutien de ses habitués

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Un projet de bordel nommé pudiquement «bar à contacts» fait frémir la commune de Crémines, près de Moutier (BE). Dans ce village de 500 habitants, une pétition a obtenu 1161 signatures récoltées au village et bien au-delà, jusque dans le Jura voisin. Pas de quoi décourager le promoteur Selman Osmani, gérant du restaurant «Croix blanche» et de la discothèque «Mustang», animée de 22 heures à 3 h 30 par des musiciens et des danseurs albanais,

Avant-hier, la préfecture a comptabilisé huit oppositions déposées contre le lupanar projeté. Mais la commune a trouvé une faille supplémentaire pour faire capoter un projet qui nécessite un changement d’affectation dans un sous-sol: ce sujet sera porté à l’ordre du jour de la prochaine assemblée communale, le 2 décembre prochain.

Pas les Pâquis

La discussion portera sur une modification du règlement communal, de manière à exclure des zones mixtes «les établissements exerçant des activités de caractère érotique», un procédé appliqué avec succès à Damphreux (JU). «On n’est pas les Pâquis, on n’a pas les moyens policiers nécessaires pour assurer l’ordre», a expliqué la maire Carole Ristori au «Quotidien Jurassien».

«Ce sont les prieurs qui n’en veulent pas», lâche un client attablé sous une tente dressée devant la «Croix blanche». Ce décolleteur appelle un chat un chat: «Un bar contacts, c’est un pince-cul», traduit-il. Le gérant kosovar n’a pas identifié d’opposants dans son entourage. Le paysan? «Il est sourd…», dit une voix.

Côtelettes de porc

Jeudi, Selman Osmani cuisinait des côtelettes de porc de 300 grammes, sa spécialité avec l’entrecôte de cheval et le steak de bœuf. À la terrasse, devant un brasero, la clientèle était masculine: la discussion portait sur la meilleure façon de faire du feu et sur la manière de confectionner des saucisses de sanglier, mais le projet de bar n’émouvait personne.

«Ce n’est pas la population qui se dresse contre moi, mais les autorités», assure Selman Osmani. Au premier étage de l’ancien hôtel, six chambres ont été aménagées dans une ambiance dorée et matelassée, avec extincteurs et portes antifeu. Un gros investissement consenti avant la délivrance d’un hypothétique permis d’exploitation.

Bonne réputation

Le village possède déjà le Jenny’s Bar sur la route cantonale, à l’autre bout du village. «Ce genre d’établissement suscite la crainte. Un lieu comme ça ne donne pas une bonne réputation du village», a déclaré la mairesse à la TV régionale «Canal Alpha».

«Ce bâtiment se trouve à proximité de maisons locatives où vivent des familles et cela n’est pas un bel exemple et une image acceptable pour notre jeunesse!» ont relevé les pétitionnaires, en constatant que dans un centre équestre situé à proximité, «de nombreuses jeunes filles» pratiquent leur sport.

Prise de conscience

Le 11 octobre dernier «Le Journal du Jura» a donné la parole à une ancienne prostituée roumaine désireuse de provoquer une prise de conscience. Elle s’est dite prise au piège d’une proposition de travail mensongère qui l’a jetée dans la prostitution contre son gré pendant huit ans, dès son arrivée en Suisse.

«Cela me dégoûte car j’ai été victime, contrainte, soumise, abusée, violentée. J’étais ce que l’on m’a appris à être, mais derrière le masque que je devais porter, j’étais tout le temps en souffrance. On ne m’a jamais laissé le choix», a-t-elle témoigné.

Pas une première

Un lupanar à Crémines, ça ne coule pas de source. En 2002, le Tribunal de Moutier a acquitté deux femmes accusées d’encouragement à la prostitution dans un bar hôtel de ce village. Seule obligation imposée aux filles: qu’elles soient au bar de 17 heures à la fermeture. Les entraîneuses touchaient alors de 100 à 120 francs par soirée et 10% par bouchon de champagne. Ce qui se passait entre une fille et client ne regardait pas la gérante.

Les deux prévenues ont reçu ensemble 18 000 francs d’indemnités pour tort moral. Cinq ans plus tôt, 18 avril 1997, une descente de police a fait penser que la tenancière suisse et son employée française encourageaient des femmes à se prostituer. Selman Osmani sait où il met les pieds: «Les chambres seraient louées et mon travail se limiterait au débit de boissons», conclut Selman Osmani.

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