FootballManuel Akanji, prototype du défenseur suisse moderne
L’importance qu’a eue le Zurichois dans la conquête de la Ligue des champions par Manchester City en fait l’un des meilleurs défenseurs helvétiques de l’histoire.
- par
- Valentin Schnorhk Tenero (TI)
Il n’y a sans doute pas meilleur moment pour se permettre cette question qui fracture les générations, parce qu’elle amène à confronter les époques: Manuel Akanji est-il déjà le plus grand défenseur de l’histoire du football suisse?
Ce dimanche, du côté de Tenero (TI) où l’équipe de Suisse s’est réunie la veille pour son stage de juin qui l’emmènera affronter Andorre (vendredi) et recevoir la Roumanie (lundi 19), Akanji avait en tout cas de bonnes raisons d’être l’un des trois hommes qui manquent encore à l’appel, avec Xherdan Shaqiri (engagé et buteur avec Chicago samedi) et Renato Steffen (raisons personnelles). Et il n’est pas attendu avant mardi soir, une parade étant encore prévue à Manchester pour fêter la victoire en Ligue des champions contre l’Inter.
Cette souplesse que lui accorde Murat Yakin est légitime. Jamais un défenseur suisse n’avait été sacré champion d’Europe. Le Zurichois n’est d’ailleurs que le quatrième suisse à être sacré dans la plus grande des compétitions continentales, et assez largement le plus prépondérant depuis Stéphane Chapuisat avec le Borussia Dortmund en 1997 (Sforza et Shaqiri n’étaient pas titulaires avec le Bayern Munich en 2001 et en 2013 et Liverpool en 2019).
Ainsi, à même pas 28 ans - il les fêtera en juillet -, Manuel Akanji laisse déjà un héritage dans le football helvétique. Avec lui et cette Ligue des champions, il y a un style qui s’enracine, une attitude qui inspire et une audace qui le caractérise qui s’inscrivent dans l’histoire. Et qui ouvrent la voie aux éventuels successeurs.
Un style
Manuel Akanji est devenu champion d’Europe en étant lui-même. En faisant sans doute aussi en sorte d’appliquer à la lettre les consignes que lui a transmises Pep Guardiola durant toute la saison, mais aussi parce qu’il avait les qualités pour s’inscrire pleinement dans le projet citizen.
Le style Akanji s’est affirmé à la Suisse en 2017, lorsqu’il s’est remis de la rupture du ligament croisé dont il a été victime peu après son arrivée au FC Bâle à l’été 2015. Il s’est renforcé une fois que Vladimir Petkovic en a fait un titulaire en équipe nationale en vue de la Coupe du monde 2018.
Il se résume ainsi: une volonté d’être protagoniste balle au pied. Il n’a pas seulement vocation à être premier relanceur, mais celui qui effectue la première passe qui permette de désagréger une partie du bloc défensif adverse. Le sens des responsabilités, de la conduite de balle, de la capacité à être efficace des deux pieds.
Et puis, défensivement, il y a aussi un comportement qui n’est pas celui d’un amoureux des duels. Cela a parfois pu être mis à son discrédit. Même si sa gestion des un contre un a été mise en valeur durant cette Ligue des champions (notamment lorsqu’il a été aligné à gauche contre le Bayern en quarts). Devenu plus solide dans les duels, il s’exprime toujours beaucoup dans une défense d’anticipation, de couverture des espaces où sa lecture fait souvent mouche. Un comportement qui correspond à celui d’équipes qui veulent défendre haut et être proactives.
Une attitude
Certains pourraient y voir une arrogance. Peut-être faut-il plutôt appeler ça de l’assurance. Manuel Akanji est le symbole du défenseur sûr de ses qualités. Une confiance en soi qui transpire à chaque apparition sur le terrain. Cela se traduit par sa résistance à la pression, au stress que l’enjeu et la proximité de l’adversaire devraient induire. Parfois, en équipe de Suisse, on y décèle une forme de légèreté, qui l’a parfois trahi.
Mais il y a surtout là l’attitude d’un homme qui tranquillise ses partenaires. En équipe de Suisse, il y a Granit Xhaka, et puis il y a lui. Dans les faits, il est le deuxième leader de la sélection, même si Shaqiri et Sommer sont devant lui dans la hiérarchie du capitanat. Mais il est l’autre que Yakin sollicite, lorsqu’il consulte pour dessiner ses schémas de jeu. Un patron.
Une audace
D’une certaine façon, Manuel Akanji est un symbole de cette génération suisse décomplexée, qui affirme ses certitudes et ses ambitions. Dans le discours. Dans le jeu. Dans les choix. En découle une Suisse qui ose. Akanji, de par son style de jeu et son attitude, se distingue par ce trait d’audace qui fait aussi sa carrière.
C’est lui qui, par exemple, avait très mal accepté être relégué comme remplaçant au Borussia Dortmund lorsque Mats Hummels était revenu au club. C’est lui aussi qui n’a pas eu peur de tenter le défi de Manchester City en toute fin de mercato d’été. «Ce titre donne de la crédibilité et de la confiance à tous les joueurs suisses», considère Pierluigi Tami, le directeur des équipes nationales.
Il fallait en effet avoir le courage d’essayer de mesurer à Guardiola. Il fallait aussi croire en ses qualités pour se persuader qu’il pourrait convenir à un si grand club. Il fallait tout de même une certaine modestie pour se mettre au service d’un tel projet de jeu. Mais aussi pas mal d’assurance pour donner cette avant-dernière passe décisive à Bernardo Silva, préalable au but de Rodri samedi.
Tout cela peut aider à répondre à la question préalable. «Pour moi, il fait partie des meilleurs défenseurs au monde, est convaincu Tami. Donc il est forcément l’un des meilleurs de l’histoire du football suisse.» Et quitte à laisser planer le doute, Manuel Akanji est au moins un modèle à suivre.