Carnet noirDécès de Desmond Tutu, icône de la lutte anti-apartheid
L’archevêque sud-africain Desmond Tutu, l’un des leaders du mouvement anti-apartheid, est décédé à l’âge de 90 ans, a annoncé le bureau du président.
L’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, icône de la lutte contre l’apartheid et Prix Nobel de la paix, est décédé dimanche à l’âge de 90 ans, a annoncé le président Cyril Ramaphosa.
Le président exprime «au nom de tous les Sud-Africains, sa profonde tristesse suite au décès, ce dimanche» de cette figure essentielle de l’histoire sud-africaine, dans un communiqué.
«Le décès de l’archevêque émérite Desmond Tutu est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée», a ajouté le président.
«Un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid, il était aussi tendre et vulnérable dans sa compassion pour ceux qui avaient souffert de l’oppression, de l’injustice et de la violence sous l’apartheid, et pour les opprimés et pour les oppresseurs du monde entier», a ajouté M. Ramaphosa.
«The Arch», comme il était surnommé par les Sud-Africains, était affaibli depuis plusieurs mois. Il ne parlait plus en public mais saluait toujours les caméras présentes à chacun de ses déplacements, sourire ou regard malicieux, comme lors de son vaccin contre le Covid dans un hôpital ou lors de l’office au Cap pour célébrer ses 90 ans en octobre.
Conscience de l’Afrique du Sud
Jusqu’à son dernier souffle, le Prix Nobel de la paix a imposé sa petite silhouette ronde et son franc-parler légendaire pour dénoncer les injustices et écorner tous les pouvoirs, quels qu’ils soient.
«C’est un grand privilège, un honneur que les gens pensent que votre seul nom peut changer les choses», confiait le prêtre anglican en 2011.
S’ils ont inspiré les foules, les engagements de Desmond Tutu ont aussi beaucoup irrité.
Son Église anglicane par exemple, quand il défendait les droits des homosexuels («je ne pourrais pas vénérer un Dieu homophobe») ou, plus récemment, le droit de mourir dignement. La Chine aussi, chaque fois qu’il prenait parti pour le dalaï-lama. Ou encore les gouvernements sud-africains successifs, dont il a dénoncé les turpitudes.
Convictions fermes
Même son ami Nelson Mandela n’a pas échappé à ses foudres. À son arrivée au pouvoir en 1994, Tutu a reproché à son Congrès national africain (ANC) une mentalité de «profiteur».
Ses convictions étaient fermes, mais «the Arch» les a toujours défendues avec une joyeuse exubérance.
Volontiers blagueur, y compris à ses dépens, il n’hésitait pas à agrémenter ses harangues de quelques pas de danse et d’un rire proche du gloussement devenu sa marque de fabrique.
Vitalité stupéfiante
Desmond Tutu est né le 7 octobre 1931 dans l’anonymat de Klerksdorp, petite cité minière au sud-ouest de Johannesburg.
Enfant, il souffre de poliomyélite. Marqué par cette expérience, il veut devenir médecin mais y renonce faute de moyens. Il sera enseignant, avant de démissionner pour protester contre l’éducation de moindre qualité réservée aux Noirs et d’entrer au séminaire.
Ordonné prêtre à 30 ans, il étudie et enseigne au Royaume-Uni et au Lesotho, puis s’établit à Johannesburg en 1975. Avant d’être nommé archevêque du Cap et chef de la communauté anglicane de son pays.
Il était marié depuis 1955 à Leah, avec laquelle il a eu quatre enfants.
Malgré un cancer de la prostate diagnostiqué en 1997 et plusieurs séjours à l’hôpital, cet homme d’une vitalité stupéfiante ne s’est retiré que très progressivement de la vie publique, partageant un compte Twitter avec sa fille Mpho, qui dirige sa Fondation.
Jusqu’au bout, il s’est accroché à son rêve d’une Afrique du Sud multiraciale et égalitaire.
À la mort de Nelson Mandela en 2013, Desmond Tutu avait réveillé une cérémonie officielle bien ennuyeuse en faisant hurler un puissant «oui» à la foule après lui avoir lancé «nous promettons à Dieu que nous allons suivre l’exemple de Nelson Mandela!»