Test - La EQS confirme son côté bluffant mais accuse quelques bugs de jeunesse

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TestLa EQS confirme son côté bluffant mais accuse quelques bugs de jeunesse

Sur la route, la limousine électrique de Mercedes nous réserve encore de beaux atouts. Mais quelques griefs viennent ternir l’expérience.

Christophe Pinol
par
Christophe Pinol
Lematin.ch a testé la EQS, la limousine électrique de Mercedes.

Lematin.ch a testé la EQS, la limousine électrique de Mercedes.

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Après avoir fait, dans la première partie de notre test, le tour des principaux atouts de la Mercedes EQS, première limousine entièrement électrique au monde, nous étions sur le point de nous élancer sur les routes – 1800 kilomètres au programme – pour tester la «bête» en conditions réelles.

Mais le matin de notre départ, la voiture nous accueille d’un inquiétant «Alerte collision» affiché sur notre écran de contrôle à l’allumage. Passé un moment de stupeur, on réalise que l’écran central nous propose une série de photos de l’incident survenu pendant la nuit: une voiture ayant visiblement tenté de se parquer devant nous, nous avait légèrement heurté. Plus de peur que de mal, heureusement, mais on a ainsi à disposition un cliché de la plaque d’immatriculation du fautif ainsi que de tout ce qui se passe autour du véhicule à ce moment-là, des fois que la «collision» en question implique d’autres éléments. On se rassure, le savoir-faire technologique du constructeur allemand est bien là.

La réalité virtuelle s’invite au programme

On insère alors notre première destination – dans les environs de Marseille –, on effleure la pédale d’accélérateur et nous voilà partis. C’est l’occasion d’évoquer enfin notre coup de cœur de ce véhicule: son affichage tête haute. Ce système chargé de projeter sur le pare-brise toute une série d’informations à destination du conducteur (le passager, lui, ne voit strictement rien) est terriblement efficace. On est impressionnés par la finesse des détails, les couleurs, les animations… Sur la partie gauche, s’affiche la cartographie, notre position étant indiquée par un symbole qui se déplace en temps réel sur la route schématisée et qui montre donc exactement où et quand tourner à l’approche d’une intersection. Les indications sont en plus renforcées par des flèches animées en 3D, apparaissant plus haut, en réalité augmentée, directement superposées aux voies à emprunter. A droite, on retrouve une quantité d’informations à propos de notre vitesse, la distance restant à parcourir avant la prochaine étape, l’heure prévue d’arrivée, le degré d’aide à la conduite choisi… C’est bien simple, à la fin de notre périple, on s’est rendu compte de n’avoir quasiment jamais regardé le tableau de bord tant l’affichage tête haute est complet.

Arrivé sur l’autoroute, on s’empresse de tester la conduite autonome.

Arrivé sur l’autoroute, on s’empresse de tester la conduite autonome.

lematin.ch

Conduite totalement autonome… ou presque

Arrivé sur l’autoroute, on s’empresse de tester la conduite autonome. Précisons d’emblée que ce véhicule est le second au monde, après la Honda Legend Hybrid EX au Japon, à être équipé du niveau 3 de cette fonction censée révolutionner l’automobile de demain, et qui permet au conducteur de pouvoir enfin lâcher le volant pour se livrer à d’autres occupations (lire, manger, regarder un film) mais dans des conditions bien précises: uniquement sur autoroute et en dessous de 60 km/h, soit plutôt dans les bouchons. Problème: la législation n’est pas encore prête pour cette technologie. Elle devait l’être cet été en Allemagne, et nous comptions y aller la tester, mais elle ne sera finalement effective qu’au début de l’an prochain. Et fin 2022 en France. On s’est donc contenté du niveau 2, qui permet déjà au véhicule de suivre un tracé – plutôt sur autoroute, là où les marquages au sol sont bien identifiés – en calant sa vitesse sur la limitation en vigueur et en étant capable d’évoluer au milieu du trafic. La différence étant qu’ici, le conducteur doit rester vigilant, prêt à reprendre la main au moindre signe de défaillance du système.

Il y en a d’ailleurs eu. De rares, mais tout de même quelques-uns. Le système ne nous autorise d’ailleurs à lâcher le volant que pendant un bref laps de temps. Après 15 secondes, une alerte visuelle apparaît sur l’écran conducteur nous intimant à reprendre le contrôle, mais il suffit d’effleurer le volant pour que le compteur reparte à zéro. Sinon, après 15 secondes supplémentaires, une nouvelle alerte, cette fois sonore, retentit. D’abord une fois, puis de manière répétée… On peut ainsi tenir près d’une minute avant que la voiture ne débute un arrêt d’urgence, dans le cas où le conducteur se serait endormi. La reconnaissance des marquages au sol est vraiment efficace mais le système doit encore progresser dans sa manière d’aborder les virages à grande vitesse. Tant qu’ils sont assez larges, tout va bien. Mais s’ils sont un peu serrés, la voiture à tendance à prendre les courbes sur l’extérieur plutôt qu’à la corde, comme on a le fait naturellement. Et c’est assez déstabilisant.

Notons aussi qu’à l’instar des Model S et 3 de Tesla, ainsi que de la Porsche Taycan, que nous avions également testés, on ne peut malheureusement pas faire confiance aux limitations de vitesse répertoriées par la voiture. Non seulement ses caméras ne perçoivent pas tous les panneaux mais à l’inverse, elle en prend certains à son compte alors qu’ils ne lui sont pas destinés. Total, si dans 80% des cas la limitation indiquée est correcte, elle est parfois supérieure ou inférieure à la réalité.

Premier «plein» auprès d’une borne Ionity, ces chargeurs rapides disséminés le long des grands axes autoroutiers.

Premier «plein» auprès d’une borne Ionity, ces chargeurs rapides disséminés le long des grands axes autoroutiers.

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Le plein d’énergie

On fait ensuite notre premier «plein» auprès d’une borne Ionity, ces chargeurs rapides disséminés le long des grands axes autoroutiers, capables de délivrer une puissance de 350 KW. En 25 minutes, on passe de 44 à 80% d’autonomie, récupérant ainsi 237 km. On est donc loin des 300 km en 15 minutes revendiqués par le constructeur. Mais quand Mercedes annonce de tels chiffres, c’est en partant d’une batterie à plat, sachant que les premiers pourcentages sont les plus faciles à récupérer et que plus la batterie est pleine, plus il faut de temps pour emmagasiner les derniers électrons. La preuve, nous sommes à un moment tombé à 6% d’autonomie et en 40 minutes, nous avions récupéré près de 500 km. Coup de l’opération? 21,15 fr. dans le premier cas, 34,95 dans le second. Soit en moyenne 8 cts le kilomètre.

En reprenant la route, on tente de voir ce que la voiture a dans le ventre en appuyant un peu plus généreusement sur le champignon le long de la bretelle d’accès. La réaction est immédiate: avec son couple de 855 Nm, on laisse loin derrière nous les autres véhicules, et ce malgré nos 2,6 tonnes sur la balance. La poussée est certes moins virile que sur une Tesla Model S, mais tout de même impressionnante. Plus loin, sur la route spectaculaire et exigeante du col de Susten, dans l’Oberland bernois, on prendra également le même plaisir à sentir la voiture littéralement s’envoler sous les coups d’accélérateur, même lors de montées bien raides.

Et elle masse, aussi!

Attention, toutefois, avec ces moments grisants. Ils ont évidemment tendance à plomber l’autonomie du véhicule. On réalise d’ailleurs vite à quel point cette autonomie annoncée est à prendre avec des pincettes, et qu’elle dépend avant tout de la vitesse à laquelle on roule. Un exemple concret? Au terme d’un trajet de 132 km sur l’autoroute, parcourus à 140 km/h en moyenne, notre autonomie a chuté de 200 km. A l’inverse, sur les bords du Lac Majeur, où la vitesse était limitée à 50Km/h, on a roulé 53 km en ne perdant que 12 km d’autonomie. Les 650 km de rayon d’action annoncés avec un chargement à 100% sont donc assez relatifs et il faudra savoir rester vigilant lors des trajets. Même si l’ordinateur de bord est chargé de nous faciliter la tâche en nous alertant quand il pense ne pas être capable d’atteindre une destination sans recharge et en nous proposant des bornes sur notre chemin.

Sur la route, la limousine électrique de Mercedes nous réserve encore de beaux atouts.

Sur la route, la limousine électrique de Mercedes nous réserve encore de beaux atouts.

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Au bout de quelques heures de route, on a la surprise de voir la EQS nous proposer un programme «vitalité»… Curieux, on accepte d’un clic (d’un autre, on a la possibilité d’étendre la fonction au siège du passager) et débute alors une session mêlant musique tendance zen, animation itou (sur l’écran central) et massage revigorant, avec des espèces de boules que l’on sent surgir dans notre siège, localisées au niveau des épaules, des omoplates et des lombaires, mais aussi sous les fesses et les cuisses, chargées de détendre nos muscles. Le dossier se joint même à la fête en s’abaissant et en se redressant, histoire de nous tenir complètement éveillé. Très efficace. Et le service peut aussi se faire à la demande, en lançant un simple «Hey Mercedes, j’ai mal au dos».

Les galères de la recharge

Une autre chose nous a tenu éveillé – mais dont on se serait bien passé, pour le coup: le casse-tête de la recharge, soit de trouver une borne – si possible de haut-débit – qui fonctionne correctement. Ce qui n’est pas si évident. En Suisse ou en Italie, s’il nous est effectivement arrivé de se retrouver face à une borne en panne, il y en avait toujours une à côté qui fonctionne. En revanche, on a accumulé les déboires sur la Côte d’Azur, le temps d’une journée cauchemardesque… A Aix-en-Provence, on commence par perdre 45 minutes aux bornes Allegro, entre un paiement sans contact en panne, une maintenance incapable de nous aider par téléphone et une application smartphone elle aussi en rade. Total: on repart bredouille. Faute d’autres bornes rapides à proximité, on se rabat sur une autre de moyen débit, plus loin sur notre trajet, dans le petit village d’Ollioules. Sauf qu’à l’arrivée, la borne n’est que de 12,2 KW, au lieu des 50 annoncés. Puisqu’on est là, on recharge quand même. Mais après quinze malheureux kilomètres récupérés en 35 minutes, on décide de finalement tenter de rejoindre une borne rapide à 130 kilomètres de là, toujours sur notre itinéraire. On se dit qu’avec 200 kilomètres d’autonomie restants, en coupant la clim, la musique, l’assistance à la conduite et en roulant tranquillos, on y arrivera facilement… Mais au moment de repartir, la borne ne veut plus nous laisser débrancher le câble, et il nous faudra attendre encore une demi-heure avant qu’un dépanneur vienne nous secourir. En fin de compte, on a finalement atteint la borne visée mais avec seulement 6% de batterie restante, et quelques litres de sueur répandus sur le tapis de la voiture, de crainte de tomber en panne sèche. Mais là, c’est malheureusement le lot de toutes les voitures électriques.

Apparition fantôme

Question trouille, on a encore été servi avec un freinage d’urgence sur l’autoroute, aussi brusque qu’inexpliqué. Le tout accompagné d’une palanquée d’alertes illuminant une bonne partie du tableau de bord… Un freinage bref mais suffisamment fort pour nous projeter violemment en avant. On était pourtant seul sur la route à ce moment-là… Les capteurs du véhicule étant capables de repérer les piétons, la voiture a-t-elle vu, ou cru voir, quelque chose sur la chaussée, à ce moment-là? Impossible à dire.

Pour terminer, il nous faut aussi signaler des problèmes récurrents de liaison Bluetooth observés entre le système de la voiture et notre smartphone. D’abord au niveau de la reconnaissance automatique de celui-ci, qu’il fallait la plupart du temps forcer, mais aussi des coupures de son lors de l’écoute de la musique en AirPlay… De la même manière, l’application Mercedes Me, capable notamment de nous permettre de lancer à distance une phase de chauffage ou de climatisation, s’est montrée capricieuse, ayant elle aussi de la peine à se connecter au système. Elle est également censée permettre de piloter la voiture à distance, pour la parquer, mais la fonction n’était pas opérationnelle et Mercedes n’a pas été capable de nous expliquer pourquoi. Dommage.

Bref, on mettra ces incidents, somme toute mineurs, sur le compte de bugs de jeunesse, en espérant qu’ils puissent être résolus à travers de prochaines mises à jour. Mais lorsqu’on investit dans une voiture de ce calibre – et de ce prix! –, il y a de quoi exiger la perfection.

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