«Farming Simulator», le jeu vidéo qui apaise les esprits

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Phénoménal«Farming Simulator», le jeu vidéo qui apaise les esprits

La fameuse franchise suisse vient de franchir le cap des 3 millions de ventes avec son dernier opus, «FS22». Retour sur une formidable success story avec l’un des responsables.

Christophe Pinol
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Christophe Pinol

La semaine passée, à Zurich, les équipes de Giants Software sabraient allégrement le champagne. La société suisse de jeu vidéo célébrait en effet les 3 millions de copies vendues de «Farming Simulator 22», dernière édition en date de leur franchise au succès planétaire. Le tout en à peine 9 semaines. Un record, 14 ans après la sortie de la première version. Le weekend inaugural, le jeu se payait même le luxe de battre le mastodonte «Battlefield 2042» sur Steam, la plus grande plateforme de distribution de jeux en ligne. Imaginez que pendant tout un week-end, on trouvait plus d’apprentis fermiers à labourer tranquillement leurs champs que de soldats suréquipés en train de canarder à tout va. Mais où va le monde?

Question principe de jeu, il s’agit toujours de gérer une ferme: élever des cochons, des vaches; produire du lait; faire pousser du maïs ou du colza, de la semence à la récolte… De simple curiosité à sa sortie en 2008, le jeu est rapidement devenu culte avant de devenir un véritable phénomène.

Cultiver des vignes dans le Sud de la France

Il faut dire que ce «FS22», sorti en novembre dernier, pousse le degré de simulation encore un peu plus loin. On peut désormais y cultiver la vigne, des oliviers, une nouvelle céréale alternative – le sorgho, moins gourmande en eau que le maïs –, et même s’improviser apiculteur en gérant des ruches pour vendre son propre miel. Sans compter que grâce aux vertus de la pollinisation, il suffira d’implanter certaines d’entre elles à proximité de plants de blé ou d’orge pour leur apporter une meilleure croissance. Il faudra aussi dorénavant jongler avec le mécanisme des saisons et composer avec leurs différents aléas climatiques. Et pour implanter son exploitation, au départ du jeu, on a cette année la possibilité de le faire en France, sur la nouvelle carte du Haut-Beyleron, une région fictive empruntant à la fois aux paysages de l’Aquitaine et de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec notamment son petit village pittoresque à flanc de colline. On fait difficilement plus immersif…

Des novices en agriculture

Pourtant lorsque Christian Ammann et Stefan Geiger se lancent en 2004 dans cette aventure, ils sont loin d’imaginer où ça va les mener. «On cherchait juste à monter un studio de production suisse, nous explique le premier, afin de créer des jeux bien de chez nous et développer notre propre technologie. Et c’est un ami commun qui avait eu cette idée de simulation agricole. On était au départ un peu sceptiques – on ne connaissait rien à l’agriculture – mais il a fini par nous convaincre que celle-ci avait du potentiel». Les deux complices mettront 4 ans à peaufiner la première version du jeu et très vite, le succès est là. «A l’époque, on faisait tout à deux: la programmation, les décors, les sons, nos cartes de visite… Maintenant, le studio compte près de 100 employés, répartis en 4 bureaux autour du monde: en Suisse, en Allemagne, en Tchéquie et aux Etats-Unis».

Mais alors comment expliquer un tel succès, pour un jeu loin de rassembler les critères en vogue des blockbusters actuels, tous plus spectaculaires les uns que les autres? «Je crois que les gens apprécient le côté immersif de ce monde ouvert, sans but précis, nous explique Christian Ammann. C’est un jeu qui apaise les esprits alors que beaucoup d’autres reposent sur une action frénétique. Les joueurs qui reviennent de l’école ou du travail peuvent ainsi se relaxer en conduisant leur tracteur… ou se creuser un peu plus les méninges pour planifier l’élaboration des récoltes dans la partie simulation économique. Cette année, on a aussi créé un système passerelle qui permet maintenant le multijoueur entre PC et console. Chacun peut ainsi y retrouver ses amis et gérer à plusieurs des exploitations qui continuent de croître même lorsqu’ils ne sont pas en ligne».

Recruter de véritables agriculteurs

Le succès va même au-delà de la simple expérience de «gaming» puisque le jeu se retrouve de plus en plus invité dans de véritables foires agricoles, en France, en Allemagne et en Suisse, dans le but avoué de faire naître des vocations d’agriculteurs – elles bien réelles – parmi les visiteurs.

L’an passé, on avait d’ailleurs vu au Salon suisse de l’agriculture d’Olma, à Saint-Gall, le Président de la confédération Guy Parmelin empoigner une manette et jouer les fermiers virtuels. En 2017, au GamesCom de Cologne, c’est même la chancelière Angela Merkel qui avait tenté l’immersion. Certains paysans vont même jusqu’à se servir du jeu pour tester les nouveaux engins des différents constructeurs avant de les acheter dans la vraie vie, tant les 400 machines et véhicules du jeu – dont les tracteurs suisses Hürlimann – sont reproduits de manière hyperréaliste.

«On reçoit directement les données des fabricants des machines, continue le PDG Zurichois. On peut donc aller très loin dans les détails lors de leur modélisation. D’ailleurs, une fois nos modèles 3D créés pour le jeu, les constructeurs nous demandent souvent de leur envoyer nos fichiers pour les utiliser dans leurs catalogues officiels ou leurs films d’entreprise. A chaque édition du jeu, on ajoute également des détails supplémentaires. Cette année, on a par exemple introduit la fonction des plaques minéralogiques adaptées aux différents pays. Les joueurs peuvent ainsi choisir la version américaine ou européenne de certains tracteurs, chacun affichant son lot de détails propres – stickers ou autres – en fonction des pays où ils sont immatriculés». Une section «Véhicules d’occasion» a même fait son apparition cette année.

Il ne nous reste plus qu’à enfiler notre plus beau bleu de travail, nos bottes, nos gants et enfourcher notre rutilant tracteur virtuel. Les meilleurs pourront même espérer décrocher un joli pactole, en espèces sonnantes et trébuchantes, lors des compétitions eSport. Depuis 2019, la franchise possède en effet sa propre ligue où différentes équipes – certaines sponsorisées par les grandes marques agricoles – s’affrontent lors de parties endiablées pour tenter de remporter jusqu’à 250'000 francs de prix, rivalisant de dextérité pour créer les meilleurs champs agricoles ou réaliser des moissons à toute berzingue.

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