Ski alpinZermatt/Cervinia à l’origine de bien des casse-têtes
Les décideurs du ski alpin s’interrogent sur la place de l’étape du Cervin dans le calendrier. Croisés dans l’aire d’arrivée des courses de Crans-Montana, ils parlent.
- par
- Rebecca Garcia
Et si une partie des blessures des athlètes du cirque blanc s’expliquait par l’existence des courses de Zermatt/Cervinia. C’est la théorie d’un des entraîneurs présents à la réunion des capitaines d’équipe de Crans-Montana. Un coach avec qui l’on a cherché à comprendre la débâcle de Cortina d’Ampezzo. De nombreuses skieuses sont reparties blessées de la station italienne, alors que la piste ne semblait pas particulièrement dangereuse.
«Avec ces courses de Zermatt, on n’a pas pu faire de gros blocs d’entraînement jusqu’au mois de décembre», poursuit l’entraîneur. Pas assez préparées, trop «justes» physiquement, les skieuses accusent réellement ce manque de travail spécifique au moment d’être envoyées sur les patinoires de Coupe du monde.
Aussi logique que sonne l’argumentaire, encore fallait-il le confronter aux décideurs du ski alpin. Les mêmes qui ajoutent et suppriment des courses au gré du vent. Michel Vion, secrétaire général de la FIS, a ce rôle-là. Lui aussi était présent à Crans-Montana, et il ne s’est pas dérobé vendredi, devant la question qui fâche.
Les courses au pied du Cervin ont-elles créé des problèmes dans la suite du calendrier? «Je suis d’accord avec cela dans la mesure où c’est davantage le manque d’entraînement et de stabilité technique qui est en cause. Et cela n’a pas pu être travaillé parce qu’il n’y avait pas de neige et parce qu’il y avait Zermatt tout de suite.»
La théorie et la réalité
Le Matterhorn Cervino Speed Opening devait coupler des entraînements sur le glacier aux épreuves de Coupe du monde. La formule devait permettre aux skieuses et skieurs ainsi qu’aux organisateurs d’être gagnant-gagnant. Nul besoin d’aller en Amérique du Nord: les athlètes peuvent s’entraîner en Europe après la première course de la saison, à Sölden (Autriche). Côté FIS et Swiss-Ski, on ajoute une épreuve très tôt dans la saison pour dire aux touristes qu’il est temps de penser à mettre les lattes.
Sauf que le plan ne s’est pas déroulé comme prévu, et qu’aucune des huit courses prévues sur la Gran Becca n’a pu être lancée. L’impatience guette. La FIS attend d’être rassurée, et d’avoir des solutions pour avancer plutôt que de stagner contre les éléments. «Nous allons attendre la position officielle des parties prenantes, dont la FISI [fédération italienne de ski] et Swiss-Ski», indique Michel Vion.
Justement, Swiss-Ski ne tient plus un discours aussi absolu que par le passé. Vendredi, son président se montrait prudent. «Une annulation, on peut l’expliquer. Deux aussi. Nous voulons tenter une troisième édition», explique Urs Lehmann. Il précise qu’il leur faut trouver une assurance, car il est impensable de mettre en péril des sommes d’argent qui pourraient profiter à la relève du ski helvétique.
Si cette troisième tentative se passe mal, il risque d’y avoir du grabuge dans le calendrier. «On a déjà pu repousser les épreuves d’une semaine. Davantage, c’est compliqué…», reconnaît le visage de Swiss-Ski. «Si on décale, il y en a de toute manière un qui paye à la fin», ajoute Michel Vion, bien conscient qu’il ne peut – et ne veut pas – prioriser une station plutôt qu’une autre. «Sinon, comment fait-on? On enlève Adelboden ou on enlève Garmisch?»
Question insoluble, pour un sport saisonnier qui n’a que peu de marge de manœuvre. Il y a ce mois de novembre si souvent dédié à la première tournée américaine. Il y a aussi les dernières semaines de mars, où le suspense s’efface parfois et où l’enneigement souffre à cause du soleil.
Les courses du pied du Cervin, si bonnes soient-elles sur le papier, ont pris du plomb dans l’aile avec ces départs ratés. «Dès qu’on est sur l’opérationnel, c’est compliqué, tranche encore le secrétaire général de la FIS. Au bout de tant d’annulations, entraînements et courses comprises, si on ne pose pas les bonnes questions, c’est qu’on ne fait pas notre travail.»