Coup de Jarnac contre la transparence des partis

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PolémiqueCoup de Jarnac contre la transparence des partis

Dans son ordonnance d’application, le Conseil fédéral vide la loi de son contenu contraignant pour les partis politiques. Le chef du Contrôle fédéral des finances estime que la loi est vidée de son sens.

Eric Felley
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Eric Felley
Michel Huissoud, dimanche soir, à l’émission Forum.

Michel Huissoud, dimanche soir, à l’émission Forum.

RTS

La création d’une loi sur la transparence du financement des partis a mobilisé durant des années le Parlement helvétique. La Suisse est un des rares pays qui ne dispose pas encore d’un tel instrument pour rendre public les donateurs et leurs liens d’intérêt. En 2017, l’initiative populaire «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique» a été déposée à Berne et a provoqué un intense travail législatif.

Des critères clairs

L’année dernière, les Chambres fédérales ont finalisé une loi qui prévoit l’obligation de transparence pour les dons supérieurs à 15’000 francs par année et par personne. Pour les campagnes de votations et électorales, si la somme engagée dépasse les 50’000 francs: «Le décompte final des recettes et toutes libéralités dépassant 15’000 francs par auteur et par campagne qui ont été octroyées dans les douze mois précédant la votation ou l’élection doivent être déclarés». Enfin, «les libéralités anonymes et les libéralités provenant de l’étranger sont interdites». En cas d’infraction, l’amende maximale est fixée à 40’000 francs.

Tout cela est bien joli sur le papier, mais encore faut-il pouvoir contrôler. Le Conseil fédéral a proposé une ordonnance d’application, afin que la loi puisse entrer en vigueur à l’automne 2022. Il a confié au Contrôle fédéral des finances la tâche de vérifier et publier les informations et documents visés par ces nouvelles règles de transparence.

Avec le consentement du parti contrôlé

Or, voilà que son directeur Michel Huissoud pousse un coup de gueule contre une disposition d’application qui vide la loi de son sens: les responsables d’un parti ont le droit de s’opposer à tout contrôle! «Le contrôle peut avoir lieu sur place qu’avec le consentement des acteurs politiques, dénonce Michel Huissoud, à l’émission «Forum» sur la RTS. Quand il s’agit de vérifier si des versements anonymes ont été faits et ou des versements de l’étranger, il faut regarder dans la comptabilité, dans les comptes en banque, sinon, il n’y a pas grand-chose de sérieux qui peut être fait et ça nous gène profondément».

Un choix plus politique que juridique

Selon l’Office fédéral de la justice, il manquerait la base légale pour obliger les personnes à ouvrir leurs comptes. Pour Michel Huissoud «La question juridique n’est pas si simple que cela. Nous avons demandé un avis de droit au professeur Müller de l’Université de Berne. L’Office de la justice dit que la loi ne permet rien, alors que le professeur Müller dit qu’il n’y a pas de problème, ce que veut le Contrôle fédéral des finances est tout à fait conforme à la loi. Au niveau juridique, on a un choix qui est assez large et cela devient une question politique».

Une incitation à refuser les contrôles

D’autres restrictions dans la publication des informations liées au financement des partis font dire à Michel Huissoud qu’il est «pessimiste» quant à la réelle application de cette loi selon la volonté du Parlement. Ce qu’en fait l’ordonnance «n’est pas très efficace». Il espère que durant la phase de consultation encore en cours, le Conseil fédéral corrigera cette ordonnance et que la mention du «consentement des acteurs politiques» soit supprimée de la loi. En l’état actuel, il estime que cette loi est «carrément une incitation à refuser ces contrôles».

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